Les ministres des Finances et du Budget présentent jeudi au gouvernement leur feuille de route vers le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, un parcours semé d'embûches, mais qui doit être "irréversible".
"Irréversible", le ministre des Finances Michel Sapin n'a plus que ce mot à la bouche quand il parle de l'introduction en France de cette retenue à la source, pratiquée dans presque tous les pays développés.
"Irréversible", cette réforme de la perception fiscale a d'autant plus intérêt à l'être que nul ne sait quelle majorité sera au pouvoir le 1er janvier 2018, date à laquelle le président François Hollande a promis que le prélèvement à la source serait "pleinement effectif".
Le chef de l'Etat a fait du prélèvement à la source un cheval de bataille personnel, charge à l'administration fiscale, considérée comme peu enthousiaste, de suivre.
Bercy mis au pas
"Je veux tordre le cou à cette idée selon laquelle Bercy serait réticent, pas content, pas à l'aise", disait il y a peu Michel Sapin.
Et d'assurer que si le ministère des Finances a semblé traîner des pieds, c'était uniquement parce qu'il redoutait de "gâcher une bonne idée", en l'appliquant lors d'un début de quinquennat marqué par de fortes hausses d'impôt.
Quant au secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, il a tenu à rappeler mercredi sur Europe 1 qu'il avait "toujours été partisan de la retenue à la source". "J'étais même un peu seul" dans ce cas, a-t-il lancé.
MM. Sapin et Eckert doivent désormais détailler leurs intentions en conseil des ministres, avec un plan sur trois ans.
Dès la rentrée, le projet de budget pour 2016 devrait poser des jalons, en encourageant le paiement mensualisé et la télédéclaration. Sans obligation, mais de manière à préparer les esprits.
Dans le même temps, le gouvernement veut ouvrir une vaste concertation, et prévoit un livre blanc pour le milieu d'année prochaine.
Les entreprises grognent
Par le dialogue, Bercy espère désamorcer les nombreuses réticences. Si les Français soutiennent l'idée, à en croire les sondages, le principal syndicat des agents du fisc (Solidaires Finances Publiques) bataille contre le projet, les syndicats de salariés s'inquiètent de voir les données personnelles aux mains des employeurs, et les entreprises, qui pourraient être chargées de la collecte, grognent.
M. Eckert a souligné qu'à ce stade, il n'était "pas certain que (la retenue) se fasse par l'employeur".
"D'autres pistes sont explorées", a-t-il dit, évoquant par exemple une perception par le "système bancaire, au moment du versement du salaire".
Sur les questions de confidentialité, M. Eckert a souligné que si l'employeur avait connaissance du taux d'imposition de son salarié, cela ne lui donnait pourtant pas accès au "détail de la situation fiscale" ou familiale.
Autre question en suspens: celle de l'année de transition, 2017.
Si le prélèvement à la source commence le 1er janvier 2018, alors 2017 sera une année "blanche", les revenus perçus cette année là n'étant pas taxés. Puisqu'en 2017, sous l'ancien système, le contribuable règlera son impôt sur le revenu de 2016. Et que l'année suivante, il sera imposé en temps réel sur ses revenus de 2018.
Un "cadeau" fiscal en 2017 ?
Si M. Sapin s'est dit prêt à faire "un cadeau" concernant les revenus salariaux pendant cette année de transition, pas question de fermer les yeux sur les revenus du capital ou les rémunérations exceptionnelles. Sous peine de voir déferler les plus-values et flamber les primes non imposables en 2017...
L'équation est d'autant plus délicate pour Bercy qu'elle doit se faire à somme constante.
Les ministres, le président, le disent et le répètent, le changement de mode de perception ne doit changer ni les principes qui régissent l'impôt (quotient familial, niches en tous genres...), ni, surtout, augmenter la pression fiscale au moment où M. Hollande laisse au contraire miroiter "plus de redistribution" s'il devait y avoir "plus de croissance".
Cet impératif exclut toute fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG. Selon M. Sapin, une telle fusion ferait "50% de gagnants, 50% de perdants". Et relancerait un débat sur le "ras-le-bol fiscal" au plus mauvais moment pour la majorité, celui de la campagne présidentielle.