Le nouveau gouvernement d'Alexis Tsipras a annoncé dès mercredi l'arrêt de certaines privatisations clés et répété sa détermination à tourner la page de l'austérité, entraînant la chute de la bourse et notamment des grandes banques qui ont perdu le quart de leur valeur.
L'indice général de la Bourse d'Athènes a ainsi perdu 9,24% mercredi, et les banques un quart de leur valeur (-26,67%), tandis que l'obligation grecque à 10 ans est repassée au-dessus de 10%.
En ouvrant le premier conseil des ministres, l'air grave et sans cravate comme la majorité des membres de ce gouvernement issu de la gauche radicale, M. Tsipras a déclaré qu'il s'estimait à la tête d'un gouvernement "de salut national", prêt à "verser son sang" pour rétablir "la dignité des Grecs".
Pour Syriza, cette perte de "dignité" est due aux contraintes imposées à la Grèce depuis l'entrée en vigueur des programmes d'aide, en 2010, et dont le nouveau gouvernement prétend s'affranchir, tout comme il exige une renégociation de la dette du pays.
"Parmi nos priorités, a réitéré M. Tsipras, figure une nouvelle renégociation avec nos partenaires pour trouver une solution juste, viable et mutuellement utile".
Déterminé à mettre fin à "la politique de soumission" du pays, il a également assuré vouloir éviter "une rupture désastreuse réciproque" avec les partenaires de la Grèce.
Son nouveau ministre des Finances Yanis Varoufakis s'est aussi voulu apaisant lors de sa passation de pouvoir avec Guikas Hardouvelis, son prédécesseur du gouvernement conservateur d'Antonis Samaras.
Tout en réaffirmant que son pays allait "tourner la page de la politique d'austérité", il a précisé qu'il "ne voulait pas de duels" entre la Grèce et l'Europe : au contraire, "une nouvelle relation de confiance et de sincérité".
Mais le gouvernement n'a pas tardé à mettre en oeuvre les engagements de Syriza qui devraient indisposer la troïka: l'arrêt de la privatisation du port du Pirée a ainsi été confirmée, ainsi que l'arrêt de celle de la compagnie nationale d'électricité, DEI.
Le gouvernement Tsipras a également l'intention de faire passer très vite une loi destinée à améliorer le niveau de vie des Grecs, notamment en relevant le salaire minimum et en mettant fin à l'obligation de mobilité dans les services publics imposée par la troïka des créanciers du pays (UE, BCE, FMI).
Mesure symbolique, il a annoncé la réintégration des femmes de ménage de l'administration des Finances du pays, mises en disponibilité il y a un an et demi et qui, depuis, avaient installé un campement devant le ministère à Athènes.
Or l'UE a prévu de verser fin février à la Grèce les 7 derniers milliards de son plan d'aide, mais à la condition expresse que les réformes en cours aient abouti et que la Grèce observe un strict régime budgétaire.
Le prédécesseur de M. Varoufakis, Guikas Hardouvelis, a mis en garde pendant la passation de pouvoir : "Nous n'avons pas le luxe d'attendre quelque négociation que ce soit jusqu'en juin-juillet. Les besoins financiers du pays de mars sont assez tendus".
Or ni M. Tsipras ni son ministre des Finances n'ont paru mercredi accorder la moindre importance à l'échéance de février.
Du coup, les marchés ont perdu pied : l'obligation à dix ans de la Grèce est repassée au-dessus de 10%, et les banques se sont effondrées, Banque nationale de Grèce cédant 25,45%, Banque du Pirée 29,26%, Eurobank 25,93% et Alpha 26,76%.
Elles sont déjà fragilisées par des retraits, opérés ces dernières semaines par des épargnants inquiets de l'arrivée de Syriza, au point qu'elles ont dû faire un recours de précaution la semaine dernière au programme de liquidités d'urgence (ELA) prévu par la BCE.
Elles ont pu être victimes aussi des propos tenus la veille par Joachim Nagel, membre de la Banque centrale allemande, qui avait mis en garde sans nuance le nouveau gouvernement grec contre un arrêt du programme d'aides européennes en cours, brandissant la menace de possibles "conséquences fatales pour le système financier grec", dont les banques "perdraient alors leur accès à l'argent de la Banque centrale".
Martin Schulz, le président du Parlement européen, sera le premier responsable étranger à venir rencontrer M. Tsipras, jeudi. Mais toute l'attention se porte sur la visite qu'effectuera vendredi Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe (ministre des Finances de la zone euro).
Sa porte-parole a indiqué mardi que cette visite avait surtout pour but d'"apprendre à se connaître". Mais visiblement Alexis Tsipras souhaite aller au-delà des mondanités, prédisant pour vendredi des discussions "très cruciales et productives" et réunissant dès mercredi soir son état-major pour préparer la rencontre.
Berlin a pour sa part refusé de commenter les premières mesures annoncées, attendant de voir la "stratégie globale" du gouvernement Tsipras. Mais l'Allemagne, par la voix du ministre de l'Economie Sigmar Gabriel, a appelé les Grecs à être "justes" envers les Européens "qui se sont montrés solidaires" ces dernières années.