La Banque centrale européenne (BCE) a pris les observateurs par surprise et abaissé jeudi son principal taux directeur à 0,05%, amenant le loyer de l'argent en zone euro au plus bas niveau de son histoire au moment où les économies européennes plongent.
L'institution monétaire de Francfort a ainsi déjoué les attentes des analystes qui, sans exclure totalement cette éventualité, ne misaient pas véritablement dessus. La BCE avait déjà abaissé son taux directeur six fois depuis 2012, la dernière fois en juin, à 0,15%.
Le taux de prêt marginal passe quant à lui de 0,40% à 0,30% et le taux de dépôt de -0,10% à -0,20%, a précisé le porte-parole.
Dans le sillage de cette annonce, l'euro baissait lourdement face au dollar jeudi, perdant plus d'un cent pour atteindre son plus bas niveau en 13 mois et demi. Vers 11H45, soit au moment de l'annonce de la BCE, l'euro est tombé à 1,3037 dollars.
L'intervention de son président Mario Draghi, qui doit désormais s'adresser comme tous les mois à la presse à 12H30 GMT, est très attendue.
"Nous allons savoir si cette décision était le prélude à une nouvelle intervention de pompier monétaire ou simplement la manière la plus simple d'éviter un programme de rachat d'actifs sans perdre la face", a commenté Carsten Brzeski, analyste chez ING.
Pour les analystes de Capital Economics la baisse de taux annoncée jeudi est "une étape intermédiaire" avant des mesures supplémentaires dévoilées dans les mois à venir.
Dernière cartouche
Il y a une dizaine de jours, M. Draghi s'était publiquement inquiété d'une dégradation des attentes d'inflation à moyen et long terme en zone euro et dit prêt à "ajuster davantage" la politique monétaire.
Les observateurs avaient vu dans ces propos un signal pour le lancement de nouvelles mesures dites "non-conventionnelles", telles un programme de rachat massif de dette publique ou privée (Quantitative Easing ou QE) comme celui mis en oeuvre aux Etats-Unis par la Fed.
En août, les premières estimations d'inflation indiquent que la hausse des prix a encore ralenti, à 0,3%, soit son plus bas niveau depuis octobre 2009 et le onzième mois consécutif sous la barre du 1%. L'inflation est très éloignée de l'objectif de la BCE d'un taux proche de mais inférieur à 2% à moyen terme.
Les mauvais indicateurs de conjoncture en provenance de la zone euro sont autant d'arguments en faveur d'une action plus vigoureuse de l'institution monétaire. La croissance est restée au point mort dans la région au deuxième trimestre et l'inflation a encore reculé en août, à 0,3%, alimentant les craintes de déflation.
Cependant les experts s'attendent davantage à de fortes paroles durant la conférence de M. Draghi, voire à des annonces de portée limitée, qu'au lancement immédiat d'un programme de rachats d'actifs à grande échelle.
L'Italien sera également attendu au tournant sur les inflexions de politique économique à donner en zone euro, dans laquelle le débat entre tenants de l'orthodoxie budgétaire stricte et avocats d'une ligne plus souple pour faire repartir la croissance a repris de plus belle.
Avant de se lancer dans des rachats de dettes, qui constituent de l'avis de beaucoup la dernière cartouche à disposition de la BCE, les gardiens de l'euro devraient attendre de jauger l'impact des mesures annoncées en juin, et notamment des prêts ciblés et à très long terme (LTRO) censés inciter les banques à prêter davantage aux entreprises. Le premier doit être accordé mi-septembre.