La Commission européenne veut lancer des discussions avec la Chine pour instaurer un traité d'investissement qui serait un préalable à un accord de libre-échange, selon des sources européennes, en dépit de la multiplication de litiges entre l'UE et Pékin.
Un tel accord "aidera à approfondir nos liens et envoie le signal que nous sommes fermement engagés à bâtir un partenariat solide", a déclaré jeudi le commissaire européen au Commerce Karel De Gucht, qui dit avoir "hâte de travailler avec le nouveau gouvernement chinois pour parvenir à un accord".
"Nous voulons que ce soit un premier pas vers un accord de libre-échange", a confié un responsable européen sous couvert d'anonymat. "C'est un pas important", a-t-il souligné.
La Commission a demandé jeudi aux Etats-membres de lui confier un mandat de négociations. La décision de lancer les négociations est donc désormais dans les mains du Conseil européen, qui représente les Etats.
Les principaux objectifs de ce traité sont d'améliorer la protection, notamment juridique, des investissements européens en Chine et vice-versa dans des secteurs-clé comme les technologies et les droits de propriété intellectuelle, ainsi que de réduire les obstacles à l'investissement en Chine.
Autres priorités: ouvrir un meilleur accès au marché chinois et aborder des questions comme celles des coentreprises obligatoires. Pour produire en Chine, il est en effet nécessaire d'avoir un partenaire local, comme vient de le faire Danone en s'alliant avec deux mastodontes sur le marché des produits laitiers frais en Chine.
Sur la forme, cet accord remplacera les quelque 25 accords bilatéraux entre des Etats membres et la Chine.
Les récents litiges sur les panneaux solaires, les télécoms ou les tubes en acier n'ont pas de lien direct avec l'annonce faite ce jeudi, même s'ils restent en "toile de fond", a indiqué une source européenne.
L'idée de lancer ces négociations a été prise lors du sommet UE-Chine en février 2012. Mais selon un responsable européen sous couvert d'anonymat, les dirigeants chinois aimeraient aller plus loin. Ils ont profité d'une récente visite à Pékin du chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, pour "remettre sur le tapis" la question d'un accord de libre-échange.
Les Européens préfèrent dans un premier temps négocier avec la Chine un traité bilatéral d'investissement, s'inquiétant des motivations de Pékin. Un accord de libre-échange avec Pékin ne peut être envisagé qu'à "moyen" ou "long" terme, avait récemment affirmé ce responsable.
Le commerce entre l'UE et la Chine s'est élevé à 546 milliards de dollars en 2012 mais le déficit commercial de l'UE vis-à-vis de la Chine n'a cessé de se creuser, dépassant 122 milliards.
L'annonce de la Commission tombe au moment où la Chine travaille à un accord de libre-échange avec la Suisse. Pour le Premier ministre chinois Li Keqiang, Pékin montre avec cet accord et avec sa visite en Europe cette semaine "sa volonté d'accentuer son ouverture".
"Cela va non seulement augmenter notre coopération économique et commerciale mais aussi donner au monde un signal fort contre le protectionnisme et en faveur de la libéralisation du commerce", écrit-il dans une colonne publiée jeudi dans un journal suisse.
Les négociateurs des deux pays ont bouclé au début du mois le volet technique de cet accord après s'être dans un premier temps opposés sur les taxes chinoises sur les produits industriels suisses importés et sur les règles suisses visant les exportations agricoles chinoises.
Les deux gouvernements doivent maintenant préparer une signature mais qui ne pourra avoir lieu lors de cette visite, les experts juridiques travaillant toujours sur l'accord.