Sous la pression de plusieurs grands pays et des opinions publiques, la Commission européenne a fini par admettre que l'austérité à tout crin n'était pas la panacée, sans pour autant remettre en cause sa politique de lutte contre les déficits.
"Les politiques actuelles ont atteint leurs limites à bien des égards, car leur succès ne dépend pas uniquement de la manière dont elles sont conçues. Il doit y avoir un minimum de soutien politique et social", a reconnu le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lundi lors d'un colloque.
Une déclaration immédiatement interprétée comme un changement de cap dans la politique de la Commission européenne, après les appels à davantage de souplesse de la part notamment du Fonds monétaire international et des Etats-Unis, qui craignent "une fatigue de l'austérité" sur le Vieux continent.
"M. Barroso est enfin sorti d'un coma de cinq ans et a reconnu que l'austérité imposée en Europe et dans les pays les plus touchés par la crise est contreproductive", s'est félicité mardi le groupe des socialistes au Parlement européen.
Mais les gardiens de l'orthodoxie n'ont pas désarmé. "Si nous laissons tomber la politique d'assainissement budgétaire, si nous retournons à l'ancienne politique qui consiste à créer de la dette, cela ne fera que faire le lit du chômage de masse en Europe pour de nombreuses années", a réagi le ministre allemand des Affaires étrangères, le libéral Guido Westerwelle.
M. Barroso n'a pas tourné le dos aux recettes mises en oeuvre depuis quelques années, affirmant que les politiques en place "sont appropriées pour réduire les niveaux de dette insoutenable et (...) remettre l'Europe sur les rails, de façon à ce qu'elle soit plus compétitive et renoue avec la croissance". "C'est ce dont nous avons besoin, c'est la plus grande leçon de la crise", a-t-il ajouté.
A New York, le commissaire en charge des Affaires économiques, Olli Rehn, n'a pas dit autre chose. Reconnaissant "l'impact du processus de profond réajustement budgétaire en cours sur l'économie européenne", il a mis en garde contre les "déséquilibres macroéconomiques" structurels de certains pays de la zone euro.
La Commission doit faire fin mai des recommandations aux 27 Etats membres en matière de réduction des déficits et de réformes structurelles.
Se présentant comme défenseur d'un assainissement budgétaire "favorable" à la croissance -- un concept aux contours encore flous-- M. Rehn a rappelé que "si la consolidation restait nécessaire, son rythme ralentissait cette année, en 2013, par rapport à 2012".
"L'Union européenne est en train d'accomplir un effort exceptionnel de réduction de ses déficits sur plusieurs années", avec 13 Etats membres dont huit de la zone euro qui "ont fait les efforts budgétaires nécessaires", a insisté lundi Olivier Bailly, un porte-parole de la Commission.
L'objectif de 3% de déficit, inscrit dans les traités européens, est "un critère très important mais il y en a d'autres", a-t-il souligné, tout en rappelant que Bruxelles savait se montrer souple et accorder des délais à des pays pour réduire leur déficit.
"Nous ne regardons pas uniquement la valeur nominale mais également les efforts faits par les Etats membres. (...) La nature de l'effort est aussi importante", a-t-il plaidé, insistant sur le fait que la Commission souhaite avant tout "trouver les moyens de relancer une croissance durable".
La Commission a déjà accordé des délais à plusieurs pays pour réduire leur déficit jugé excessif, en l'occurrence l'Espagne, le Portugal et la Grèce. Elle a déjà laissé entendre qu'elle pourrait en accorder fin mai à trois pays, de nouveau l'Espagne et le Portugal, mais aussi la France.
Bruxelles semble en revanche se montrer plus sévère à l'égard de la Belgique et de l'Italie, dont les réformes sont jugées insuffisantes.