La décision du tribunal de Nanterre, qui a modifié les taux d'intérêt de trois prêts consentis par Dexia au département de Seine-Saint-Denis, redonne espoir aux collectivités engagées dans un contentieux, mais inquiète l'Etat, désormais en première ligne.
Dans le jugement, rendu le 8 février, le tribunal de grande instance (TGI) a remplacé les taux en cours des trois prêts, qui s'étaient envolés, par le taux légal, qui vient d'être fixé à 0,04% pour 2013.
En revanche, il a débouté le département sur l'ensemble de ses autres demandes, notamment le caractère spéculatif du prêt, la méconnaissance des mécanismes déterminant le taux d'intérêt ou le défaut de conseil.
Interrogée par l'AFP, la banque franco-belge a indiqué ne pas avoir encore déterminé si elle ferait appel.
"Si la décision du tribunal de grande instance était confirmée et faisait jurisprudence, son extension à d'autres financements de Dexia serait susceptible d'introduire des risques éventuels significatifs, mais difficilement mesurables à ce stade", a indiqué la banque le 21 février.
Mais en cédant, fin janvier, l'ancienne filiale de refinancement Dexia municipal agency (DMA) à une nouvelle structure contrôlée par l'Etat français, la Société de financement local (Sfil), la banque s'est défait de l'essentiel du stock des prêts incriminés.
Aujourd'hui, 56 des 66 assignations liées à Dexia (dont celle de la Seine-Saint-Denis) touchent des prêts logés dans DMA seul, ce qui induit qu'une éventuelle condamnation concernerait la Sfil ainsi que l'Etat et non plus Dexia.
La modification du taux par décision de justice induit un manque à gagner pour la banque, qui doit le provisionner, c'est-à-dire mettre de côté la somme correspondante.
L'encours de prêts dits sensibles de DMA est d'environ 10 milliards d'euros. Ce sont des crédits à taux variable parfois adossés à des paramètres exotiques comme des parités de change.
Même si tout ce portefeuille ne fait pas l'objet d'actions en justice, loin de là, une réaction en chaîne en cas de jurisprudence coûterait cher à la Sfil.
Interrogée par l'AFP sur les possibles retombées financières de la décision de justice, la Sfil s'est refusée à tout commentaire.
De sources concordantes, Bercy a demandé à la Sfil une première estimation de l'impact en cas de jurisprudence.
"Ce que j'ai compris, c'est que l'Etat était très ennuyé avec cette affaire", explique Maurice Vincent, sénateur-maire de Saint-Etienne (Loire) et président de l'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques.
Pour les collectivités, la décision du TGI de Nanterre est un appel d'air.
Selon plusieurs sources, il semble que l'immense majorité des cas présente le même vice de forme que celui qui a permis à la Seine-Saint-Denis d'obtenir la modification de ses taux, c'est-à-dire l'absence de mention du taux effectif global (TEG) sur les documents pré-contractuels.
Au-delà du seul point technique de l'absence du TEG, les collectivités croient plus que jamais que d'autres arguments, rejetés par le TGI de Nanterre, peuvent être entendus.
En premier lieu, arrive le calcul de ce fameux TEG, présenté comme erronné dans plusieurs assignations.
Les petites collectivités, elles, croient aussi à la possibilité d'une annulation de leurs prêts pour défaut de conseil car, à la différence de la Seine-Saint-Denis, elles ne bénéficient pas de personnel rompu à la technique financière.
Selon plusieurs sources, les premiers contacts de collectivités avec la jeune Sfil laissent entrevoir une évolution de doctrine.
"Il semble que la nouvelle structure pousse un peu les feux pour négocier parce qu'elle a plus de marges de manoeuvre", interprète Me Didier Seban, avocat du conseil général de Seine-Saint-Denis et d'Asnières, qui a déposé une plainte contre Dexia.
A la différence de Dexia, la Sfil a, en théorie, toute lattitude pour refinancer les prêts sensibles sous des formes plus orthodoxes, pour peu qu'elle le décide.