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Les Etats-Unis déclenchent les hostilités contre Standard and Poor's

Le secrétaire américain à la Justice Eric Holder [Chip Somodevilla / Getty Images/AFP] Le secrétaire américain à la Justice Eric Holder [Chip Somodevilla / Getty Images/AFP]

Le gouvernement américain s'en prend, plus de cinq ans après l'éclatement de la crise des "subprime", à l'agence de notation Standard and Poor's à qui il réclame 5 milliards de dollars de dédommagement et qui répond en se disant punie d'avoir abaissé la note des Etats-Unis.

C'est la première fois que le gouvernement américain porte plainte contre une agence de notation alors qu'il s'en est jusqu'alors surtout pris aux banques qui avaient conçu les "subprime", produits adossés à des prêts hypothécaires à risque, à l'origine de la crise financière la plus grave depuis la Grande Dépression.

"De septembre 2004 à octobre 2007 au moins", le groupe de médias McGraw-Hill et sa filiale S&P ont "conçu et exécuté un système pour tromper les investisseurs" avec leurs notations de produits "subprime", explique la plainte déposée tard lundi auprès d'un tribunal fédéral de Los Angeles.

S&P a "affirmé que ses notations étaient indépendantes et objectives", alors qu'elles étaient entachées de "conflits d'intérêts" car S&P touchait de juteux émoluments pour ses notations de produits dérivés, a souligné au cours d'une conférence de presse le secrétaire américain à la Justice Eric Holder.

Il a souligné que ces pratiques avaient coûté 5 milliards de dollars de pertes aux investisseurs et que c'était le montant des pénalités que le ministère de la Justice (DoJ) voulait obtenir devant les tribunaux.

La plainte cite notamment des courriels internes d'employés de S&P mentionnant dès 2006 l'existence d'une "bulle immobilière" et prévoyant "20% de défauts cette année" sur des prêts subprime. Elle mentionne également des analystes de S&P souhaitant abaisser les notes de nombreux titres en 2007, demandes rejetées par leurs supérieurs.

Dans un de ces courriels, un analyste ironise même sur la détérioration du marché immobilier avec une parodie de la chanson des Talking Heads "Burning down the house" ("en brûlant la maison").

Siège de Standard and Poor's, à New York, le 18 septembre 2012 [Emmanuel Dunand / AFP/Archives]
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Siège de Standard and Poor's, à New York, le 18 septembre 2012

S&P accuse le DoJ d'avoir sorti des courriels de leur contexte.

L'agence de notation, qui avait déclenché sa contre-attaque dès lundi sans attendre le dépôt officiel de la plainte, a répété mardi que la procédure judiciaire du gouvernement était "sans fondement" et qu'elle allait se "défendre vigoureusement".

Son principal avocat, Floyd Abrams, a laissé entendre sur la chaîne CNBC mardi que l'agence était punie pour avoir fait perdre en août 2011 son précieux AAA aux Etats-Unis. L'"intensité" de l'enquête gouvernementale s'est "accélérée" après cette date, a-t-il affirmé.

Ce qu'a démenti M. Holder en affirmant que la plainte contre S&P et l'abaissement de la note des Etats-Unis "n'étaient pas liés".

Interrogée par l'AFP, l'agence Moody's, qui a maintenu le triple A des Etats-Unis, n'a pas fait de commentaire. Sa concurrente Fitch, qui a elle aussi maintenu la note maximale de la dette américaine, a dit n'avoir "aucune raison de penser être la cible d'une procédure similaire".

Pour Peter Morici, professeur d'économie à l'université du Maryland, "le ministre de la Justice et le président" américain Barack Obama, "en s'attaquant à S&P uniquement plutôt qu'à toutes les agences de notations, semblent s'engager dans une vengeance politique".

Pour l'avocat spécialiste des litiges boursiers Jacob Frenzel, interrogé par l'AFP, le fait que le DoJ ait attaqué en priorité S&P ne veut pas dire qu'il ne va pas porter plainte contre Moody's ou Fitch. Le DoJ n'a pas voulu s'exprimer à ce sujet.

Selon le New York Times, le DoJ aurait tenté de négocier un accord amiable dans lequel McGraw-Hill aurait payé une pénalité d'un milliard de dollars et reconnu sa culpabilité. S&P aurait refusé.

Les investisseurs semblent tabler sur une issue coûteuse pour S&P: l'action a plongé de 24% en deux séances, et celle de Moody's de 18,5%.

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