En quelques années, le voyage d'affaires a connu une révolution internet, avec un nombre croissant de transactions traitées directement en ligne, qui coûte aujourd'hui des emplois aux géants du secteur American Express et Carlson Wagonlit Travel (CWT).
Le groupe de cartes de crédits American Express (Amex) vient d'annoncer 5.400 suppressions de postes dans le monde (8,5% de ses effectifs), surtout dans sa division voyage d'affaires.
En France, deuxième marché d'Amex Voyage après les Etats-Unis, "la consultation va se mettre en place dans les prochaines semaines", a indiqué Amex France à l'AFP lundi.
Son concurrent CWT, filiale de l'américain Carlson, a lui aussi un plan social sur les rails, révélé lundi et qui vise 194 suppressions d'emplois en France d'ici fin 2014 sur environ 2.400, avec la fermeture des quatre sites (Villepinte, Lyon, Marseille et Strasbourg).
Il s'agit du quatrième Plan de sauvegarde de l'emploi chez CWT depuis 2005. Plusieurs centaines de postes ont déjà été supprimés, dont une partie dans la branche loisirs. Les départs volontaires et les reclassements seront privilégiés.
Les deux leaders mondiaux du voyage d'affaires estiment faire les frais d'une mutation technologique qui a vu le nombre de transactions en ligne exploser depuis cinq ans, ce qui a généré des sureffectifs.
"Robots d'émission"
"Il y a cinq ans, la quasi totalité des transactions étaient encore opérées par des agents de voyage. D'ici deux ans chez CWT, on sera à 50% d'online", a dit à l'AFP le directeur général France de CWT, Bertrand Mabille.
Selon Anne-Laure Gogeon, associée du cabinet Epsa et spécialiste du secteur, sur l'ensemble du marché, environ la moitié des dossiers de voyages d'affaires sont déjà traités en ligne. "L'online se développe beaucoup dans les entreprises qui doivent économiser, car il permet de diviser les coûts par 2 à 5", explique-t-elle.
"Au lieu de contacter son agence de voyage, le client fait lui-même sa recherche et son choix, et envoie sa demande d'émission à l'agence. Chez Amex et chez CWT, ce sont en général des robots d'émission qui traitent ces demandes, sans intervention humaine. Ce qui coûte des emplois", dit-elle.
Le phénomène a débuté il y a environ dix ans aux Etats-Unis. En Europe, il date plutôt de 2007-2008.
Le PDG d'Amex, Ken Chenault, a insisté sur cette évolution: la division voyage d'affaires sera à l'avenir dotée d'une plus grande automatisation, sur internet et sur les appareils mobiles, a-t-il prévenu.
Et ce, alors que le voyage d'affaires reste en petite forme en Europe.
La crise avait fait fondre en 2009 les budgets voyage des entreprises jusqu'à 30%. Le secteur a ensuite un peu remonté la pente mais 2012 a été difficile et le contrôle des coûts devrait rester une priorité en 2013.
"On constate un attentisme général du voyage d'affaires", remarquait en novembre le PDG d'Air France, Alexandre de Juniac.
Selon Bertrand Mabille, "en Europe, le voyage d'affaires s'est nettement dégradé au deuxième semestre 2012", jusqu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
"En résumé, il y a moins de transactions, elles sont traitées de plus en plus souvent en ligne, et dans les grands réseaux comme AmEx et CWT, de plus en plus de manière automatique", dans un contexte compliqué, où la concurrence se renforce, note Mme Gogeon.
En France, face à Amex et CWT, il y a aussi HRG, Egencia, BCD et des réseaux d'agences qui montent comme Sélectour ou TourCom.
A noter que certaines petites agences tirent bien leur épingle du jeu.
"Certains clients préfèrent être un gros numéro chez une petite agence, qu'être un petit numéro pour une grande agence", relève Mme Gogeon.