Les députés allemands, qui votent jeudi pour la dixième fois en deux ans sur le sauvetage de l'euro, devraient à nouveau suivre la chancelière Angela Merkel et approuver une aide à l'Espagne de 100 milliards d'euros, malgré une grogne qui se diffuse dans leurs rangs.
Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble s'est employé à emporter leur feu vert, affirmant notamment: "c'est l'Espagne qui demande (l'aide), c'est l'Espagne qui reçoit l'argent, et c'est l'Espagne qui est garante" du remboursement.
M. Schäuble a promis au Bundestag qu'il ne s'agissait en aucun cas de prévoir un accès direct des banques espagnoles aux fonds européens: ce type de discussion "n'est pas approprié au vu de la gravité de la situation".
Le ministre des Finances a souligné qu'aider Madrid à recapitaliser ses banques était nécessaire sous peine de priver le pays de l'accès au marché des capitaux.
"L'existence de doutes sur la solvabilité de l'Espagne suffit à pouvoir créer des effets de contagion très graves", a-t-il ajouté.
Cet accès au marché coûte de plus en plus cher à Madrid, comme le montrent les taux en nette hausse lors de plusieurs émissions obligataires espagnoles jeudi.
La chambre basse du parlement allemand devrait selon toute probabilité approuver en fin d'après-midi (heure locale) le principe d'une aide de 100 milliards d'euros à l'Espagne, après le feu vert dans la matinée de la commission des affaires européennes du Bundesrat, la chambre haute du Parlement.
Cet accord est nécessaire pour que l'Allemagne signe vendredi dans le cadre de l'Eurogroupe le texte permettant de libérer les fonds.
Les partis d'opposition, sociaux-démocrates (SPD) et Verts, ont déjà signalé leur accord, en plus de celui de la majorité conservatrice et libérale de la chancelière.
Reste que la grogne progresse au Bundestag. Lors des votes précédents sur le sauvetage de l'euro Mme Merkel avait déjà subi plusieurs défections dans les rangs de sa majorité et, fait nouveau, les députés de l'opposition traînent davantage les pieds.
Le chef de file des sociaux-démocrates Frank-Walter Steinmeier a ainsi dit jeudi qu'il "recommandait le feu vert malgré des réticences".
"Beaucoup dans mon groupe (parlementaire) ne sont pas du tout convaincus de ce que nous faisons", a encore dit M. Steinmeier, soulignant que le feu vert du SPD reposait sur la crainte des conséquences "catastrophiques" d'une faillite de l'Espagne dans son ensemble.
Il semble probable que, comme lors de plusieurs votes précédents, Mme Merkel ne fera pas le plein des voix dans son camp.
A droite, les principaux frondeurs sont d'autant plus agressifs qu'ils sont affaiblis: des élus du parti bavarois CSU, qui fera face l'an prochain à une élection régionale difficile, et du FDP, en chute libre dans les sondages.
La gauche radicale Die Linke est elle constante dans son rejet des plans de sauvetage.
L'existence d'une "grande coalition" de fait avec la gauche social-démocrate et les Verts est d'autant plus nécessaire à Mme Merkel que la Cour constitutionnelle allemande a renforcé sensiblement les pouvoirs du Parlement, en particulier dans un jugement remontant à septembre 2011.
En Allemagne, il ne suffit par exemple pas que les députés approuvent la mise en place d'un mécanisme de secours comme le FESF, il faut encore qu'ils soient consultés à chaque fois que ce mécanisme est mis en oeuvre pour un nouveau pays, et ce en session plénière.
Ce qui leur vaut d'avoir dû interrompre jeudi leurs vacances, la pause parlementaire ayant déjà commencé.
Tandis que les députés allemands planchaient sur l'aide à l'Espagne, les Italiens ont adopté le traité budgétaire européen ainsi que le mécanisme de sauvetage MES qui doit succéder à l'actuel FESF.
L'Italie est ainsi le 12e pays européen à avoir approuvé le pacte budgétaire - mais parmi eux, certains ne l'ont pas ratifié formellement, dont l'Allemagne. Le Parlement allemand a certes donné son feu vert, mais celui-ci reste suspendu à une décision de la Cour constitutionnelle, annoncée pour le 12 septembre.