Le gouvernement a confirmé cette semaine le doublement à venir du plafond du Livret A, censé notamment permettre la construction de davantage de logements sociaux, malgré les critiques répétées du secteur bancaire contre cette mesure.
Porté par François Hollande pendant la campagne, cet engagement "sera mis en oeuvre", a assuré jeudi la ministre du Logement Cécile Duflot, lors de l'assemblée générale des Entreprises sociales pour l'habitat (ESH, ex-sociétés anonymes HLM).
Le chef de l'Etat, alors candidat, disait espérer une manne de 15 à 20 milliards d'euros grâce à cette mesure afin de financer davantage de logements sociaux. Mme Duflot a ainsi fixé à 150.000 l'objectif annuel de constructions, contre 110.000 en 2011.
Le plafond du Livret A, fixé depuis 1991 à 15.300 euros, passerait ainsi à 30.600 euros. Mais seulement 9% des détenteurs d'un Livret A l'ont aujourd'hui complètement rempli et représentent la moitié de son encours, qui atteignait 226,6 milliards d'euros fin avril.
Ce produit d'épargne, le plus répandu en France, est plébiscité depuis le début de l'année.
Au cours des quatre premiers mois de 2012, son encours a augmenté de 9,69 milliards d'euros, soit bien davantage que pendant la même période de 2011 (8,91 milliards). Il est en route pour battre le record de 2008 (18,7 milliards), année où sa distribution a été ouverte à l'ensemble des banques.
Sa popularité a même résisté au gel de son taux à 2,25% en février par le précédent gouvernement, alors que l'application automatique de la formule de son calcul aurait dû le faire remonter à 2,75%.
Ce doublement du plafond mécontente toutefois le secteur bancaire, dont plusieurs représentants sont montés au créneau contre cette éventualité.
Dans un entretien au journal Le Monde daté de samedi, le président de la Fédération bancaire française (FBF) et PDG de la Société Générale, Frédéric Oudéa, juge ainsi que ce n'est "pas une bonne mesure" et prédit un impact pour le financement de l'économie.
Noyer réclame du temps
"Elle risque de détourner une part importante de l'épargne du financement des entreprises. La priorité est d'améliorer la capacité d'autofinancement des entreprises dont les taux de marge sont historiquement faibles", fait-il valoir.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a indiqué vendredi sur RMC/BFMTV que l'un des objectifs visés avec cette mesure était également de mobiliser l'épargne "pour l'investissement en direction des PME", en proie à des problèmes d'accès au crédit, sans préciser quelle part y serait consacrée.
Avant M. Oudéa, François Pérol, patron du groupe BPCE, avait estimé mi-mai qu'un doublement du plafond ne serait pas "très utile", arguant que le "problème" du logement social n'était pas le financement mais la capacité de construction, en raison de la faiblesse de l'offre de terrains disponibles.
Fin 2011, le montant des prêts accordés par le fonds d'épargne, émanation de la Caisse des dépôts qui centralise une partie des dépôts de l'épargne réglementée (Livret A, Livret de développement durable et Livret d'épargne populaire), atteignait ainsi 133,1 milliards d'euros dont 118,3 milliards pour le seul logement social.
Pour le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, il faudra surtout laisser aux banques et assureurs le temps de s'adapter à ce nouveau plafond, sans être mis sous tension.
Car cette mesure inciterait vraisemblablement des épargnants à délaisser l'assurance-vie ou des produits d'épargne bancaire dits de bilan (principalement livrets d'épargne fiscalisés et comptes à terme) pour privilégier le Livret A.