A trois jours du second tour de la présidentielle, la France a emprunté avec succès et à des taux en baisse jeudi sur le marché, signe que les investisseurs ne semblent pas s'inquiéter d'une victoire de François Hollande, le candidat socialiste favori des sondages.
Paris a levé comme prévu dans la matinée 7,431 milliards d'euros lors d'un emprunt à moyen et long terme, selon l'Agence France Trésor (AFT), chargé de placer la dette française sur les marchés.
Le Trésor a comme d'habitude rempli son objectif, qui était cette fois d'emprunter entre 6,5 et 7,5 milliards.
Les investisseurs se sont bousculés puisque leur demande a été entre deux et trois fois supérieure à l'offre du Trésor selon les échéances.
Du coup, la France s'est financée dans de meilleures conditions que lors des adjudications comparables d'OAT (obligations assimilables au Trésor), puisque les taux d'emprunt ont reculé.
Pour l'échéance octobre 2017, le taux a atteint 1,89%, (contre 1,96% le 5 avril) tandis que concernant les échéances de référence à 10 ans, le taux s'est établi à 2,85% à octobre 2021 et à 2,96% pour avril 2022, tous en baisse. Sur l'échéance octobre 2025, le taux est sorti à 3,31%.
Cet emprunt était particulièrement surveillé parce qu'il s'agissait du principal appel au marché de la France entre les deux tours du scrutin présidentiel.
Or, ce scrutin a créé quelques incertitudes quant aux conséquences sur les conditions d'emprunts du pays d'une éventuelle victoire de François Hollande, le candidat socialiste donné gagnant par les sondages.
Sa capacité à réduire ses déficits tout comme l'avenir de ses relations avec la chancelière allemande Angela Merkel, en cas de victoire de M. Hollande, ont suscité quelques craintes de possibles tensions sur les taux de la France.
- "Seule une surprise pourrait avoir des conséquences sur le marché" -
Pour l'heure, tant lors des émissions que sur le marché obligataire, là où s'échangent les titres déjà émis, il n'en est rien.
"Les sondages pour le second tour ont peu bougé depuis la mi-mars. Seule une surprise pourrait avoir des conséquences sur le marché", résume Patrick Jacq, stratégiste obligataire chez BNP Paribas.
Dans la foulée de l'emprunt du jour, vers 14H50 (12H50 GMT), le taux à 10 ans de la France reculait nettement à 2,899% (contre 2,959% mercredi à la clôture), soit au plus bas depuis mi-avril.
La France garde aux yeux des marchés une des meilleures signatures en zone euro, certes encore loin de l'Allemagne, meilleur élève européen pour les investisseurs. Le "spread" ou écart de taux en les deux pays atteint encore 1,27 point de pourcentage au profit de l'Allemagne.
Alors qu'ils prêtaient à la France dans de bonnes conditions, les marchés ont financé l'Espagne comme elle le désirait jeudi matin, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, mais Madrid a dû consentir des taux en forte hausse, après la dégradation de la note du pays par Standard and Poor's.
Autre preuve de la résistance de la France, le contrat à terme sur la dette française atteignait son plus haut niveau depuis son lancement le 16 avril, à 126,70, signe que les investisseurs misent sur la dette française.
Ce contrat, proposé par le marché allemand Eurex, avait pourtant suscité des remous politiques, accusé de favoriser la spéculation.
Quel que soit le nouveau président de la République, sa première échéance de taille sur les marchés se tiendra le 17 mai jour lors duquel le pays tentera de lever 12 milliards d'euros à moyen et long terme.
Pour l'avenir des taux français, "l'important est que le vainqueur respecte les engagements vis-à-vis de Bruxelles", selon M. Jacq.
Interrogé par l'agence DowJones Newswire, Alessando Giansanti, stratégiste chez ING, prévient lui que "si le nouveau gouvernement ne respecte pas strictement la réduction du déficit public, la note de la France risque d'être abaissée".