Un passage au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, pratiqué dans de nombreux pays, présenterait actuellement en France plus d'inconvénients que d'avantages, selon le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) adossé à la Cour des comptes.
Le CPO constate "que les avantages sont réels mais que les inconvénients existent et que la balance en l'état actuel peut être plutôt en faveur des inconvénients que des avantages", a déclaré son président Didier Migaud, en présentant jeudi à la presse un rapport sur le sujet.
"Le CPO, en l'état actuel de la législation, ne propose pas le prélèvement à la source mais le constat que nous faisons ne doit pas conduire à écarter définitivement et en toutes circonstances le recouvrement de l'impôt par voie de retenue à la source", a-t-il précisé.
Dans ce rapport de 200 pages, publié à 66 jours d'une présidentielle dominée notamment par les questions fiscales, le Conseil analyse la validité des arguments en faveur du prélèvement à la source.
Il a pour cela mené une enquête détaillée dans 15 pays de l'OCDE. Au sein de ce club de 34 pays riches, la France est seule avec la Suisse et Singapour à avoir conservé un impôt sur le revenu prélevé après déclaration.
Pour M. Migaud, également premier président de la Cour des comptes, "certains des arguments historiquement avancés en faveur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ont perdu de leur poids".
Par exemple, concernant la déclaration ou le paiement de l'impôt qui ont été modernisés et simplifiés, la retenue à la source ne présenterait "pas un progrès significatif".
En effet, 90% des contribuables reçoivent une déclaration préremplie, le paiement en ligne est de plus en plus répandu et la mensualisation instaurée en 1973 concerne à présent 73% des redevables de l'impôt.
Parmi les aspects positifs pour le contribuable, le CPO cite la possibilité de disposer librement de son revenu sans se préoccuper de constituer une épargne de précaution. Mais cet avantage est réduit par la complexité de l'impôt français, qui rend difficile un ajustement parfait et entraîne des régularisations l'année suivante.
Un inconvénient à "ne pas sous-estimer" est la crainte de voir l'employeur être influencé dans sa politique salariale, voire d'emploi. En effet, en qualité de tiers-payeur, celui-ci peut connaître l'ensemble des revenus de ses salariés et de leurs conjoints, comme c'est le cas au Canada.
Ce mode de prélèvement n'améliorerait pas non plus le recouvrement de l'impôt, qui dépasse déjà 99% en France. Il pourrait même coûter plus cher car l'administration devrait assurer le contrôle des entreprises.
"Seuls deux arguments subsistent en sa faveur", estime le CPO. Il présente un avantage pour les personnes subissant une chute importante de leurs revenus, en raison par exemple d'une perte d'emploi ou d'un divorce, car il permet un ajustement rapide de l'impôt. Et il a une plus grande réactivité aux réformes fiscales.
"D'autres mesures permettent probablement de se rapprocher de cet objectif à moindre coût pour le contribuable, pour les entreprises et pour l'administration", a estimé M. Migaud. "Sa pertinence pourrait être réexaminée s'il était décidé de procéder à une réforme profonde de l'imposition des ménages", a-t-il ajouté au sujet de la retenue à la source.
Le candidat socialiste à la présidentielle François Hollande propose dans son projet une fusion "à terme" de l'impôt sur revenu et de la CSG. Il ne s'est pas engagé spécifiquement sur le prélèvement à la source de l'IR comme c'est le cas pour la CSG, mais son entourage n'exclut pas de mettre en place une telle réforme.
C'est "techniquement très compliqué", a toutefois souligné récemment le socialiste Jérôme Cahuzac, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.