Avec «D'argent et de sang», sa première série à découvrir dès ce lundi, le réalisateur Xavier Giannoli se penche sur la fraude à la TVA sur les quotas carbone. Voici cinq raisons de ne surtout pas manquer cette Création Originale Canal+ dense et intense.
Première incursion dans le monde des séries du réalisateur Xavier Giannoli, «D’argent et de sang» arrive ce lundi 16 octobre sur Canal+. Une œuvre magistrale de douze épisodes de 52 minutes qui sera à découvrir en deux temps. Les six premiers épisodes seront diffusés sur Canal+ les lundis à partir de cette semaine, à raison de deux épisodes par soirée et disponibles sur MyCanal. Les six autres seront visibles début 2024.
Cette nouvelle Création Originale Canal+ est librement inspirée de l'«escroquerie du siècle» qui a vu dans les années 2008-2009 deux petits délinquants de Belleville (incarnés par Ramzy Bedia et David Ayala), associés à un trader flambeur des beaux quartiers (campé par Niels Schneider), parvenir à détourner des milliards d'euros.
On pourrait en lister mille, mais voici déjà cinq raisons pour lesquelles il faut absolument regarder cette série.
elle est inspirée d'Une histoire incroyable mais vraie
«D’argent et de sang» s'appuie sur le livre-enquête éponyme de Fabrice Arfi paru en 2018 aux éditions du Seuil et concernant «l’escroquerie du siècle», soit la gigantesque arnaque à la TVA sur la taxe carbone à la fin des années 2000. Une combine qui a vu des milliards d’euros de fraude fiscale détournés sur le dos des finances publiques et de la lutte contre le changement climatique. Comment des escrocs dont certains ne savaient même pas lire ont-ils pu détourner ces centaines de millions sous le nez des cerveaux de Bercy ? L’affaire est folle, et bien que comprenant des aspects techniques de fraude fiscale et de marchés financiers dématérialisés, elle est ici expliquée de manière très compréhensible, même pour les non-initiés aux quotas carbone, ce système financier européen destiné à la base à compenser les émissions de gaz à effet de serre.
le format série reussit à xavier giannoli
Il y a toujours une forte excitation à voir un grand metteur en scène de cinéma s'intéresser pour la première fois à l’exercice sériel. Le réalisateur de la brillante adaptation des «Illusions Perdues», récompensée par un César, trouve ici le moyen d’explorer les ramifications tentaculaires de l’histoire et de s’attarder sur la personnalité complexe des personnages (qu’ils aient existé ou non car Xavier Giannoli assume quelques libertés avec la réalité, précisant que son œuvre est artistique et non un documentaire). L’affaire qui l'a inspiré est si dense qu’elle lui a permis de développer douze épisodes, les six premiers sur l’arnaque, les six autres sur la traque. Le réalisateur trouve également dans la série un écrin parfait pour fouiller ses obsessions que sont les passions humaines, la manipulation et le mensonge. A la fois «polar, enquête financière, questionnement écologique, quête spirituelle et étude de mœurs passionnelles», «D'argent et de sang» offre «un spectacle total» au travers de ce qu'il décrit comme «une sorte de fresque intime qui traverse plusieurs milieux, des bourgeois des quartiers chics parisiens aux petits escrocs de Belleville, des salles de marché de New York aux casinos de Manille, des bureaux des ministres aux petits bars du milieu».
la série propose une parfaite radiographie de l’époque
A travers cette série, le réalisateur pose son regard sur la société et le système ultralibéral. Symptôme des dérives du capitalisme, l’arnaque à la taxe carbone exprime selon lui «avec un romanesque saisissant des vérités humaines, sociales, écologiques et économiques», tout en exprimant «quelque chose de nous-même et de notre société». Une société consumériste rongée par l’obsession du profit, l’individualisme et le cynisme, où même un dispositif destiné à sauver la planète est détourné. Comme dans ses films «À l’origine», «Superstar», «Marguerite» ou «L’Apparition», ses personnages sont aux prises avec l’imposture. «Le libéralisme est une croyance comme une autre, également nourrie de mensonges : la cotation en bourse d’une société ne repose que sur les projections du marché», analyse-t-il dans une interview pour Télérama. Il ajoute : «L’arnaque à la taxe carbone, finalement c’est l’histoire de types qui s’en sortent par l’affabulation dans un système fondé sur une fiction !». «Ce qui m'intéresse, c'est quelle vérité humaine il peut y avoir chez ces personnages qui ont à voir avec l'obsession du profit, le mal, l'autodestruction, les questions morales», a-t-il aussi confié à l’AFP. Dès lors une question : reste-t-il quelque chose à sauver ?
Elle est servie par un casting de haute volée
Tous les personnages sont admirablement incarnés par un casting prodigieux. De l’inénarrable Ramzy Bedia parfait en baratineur professionnel roi de la débrouille et des magouilles (un personnage inspiré par Marco Mouly déjà au cœur de la série documentaire de Netflix «Les rois de l'arnaque», sur le même sujet), à Vincent Lindon, habité en magistrat enquêteur déterminé de manière quasi-religieuse à lever le voile sur l’arnaque, en passant par Niels Schneider (qui a remplacé Gaspard Ulliel décédé début 2022), magistral dans la peau d’un trader aux dents longues et play-boy flambeur attiré par le frisson de l’illégalité. Un personnage fortement inspiré du financier Arnaud Mimran, condamné à huit ans de prison dans cette affaire. David Ayala, Judith Chemla, André Marcon, Olga Kurylenko ou encore Yvan Attal complètent le casting en beauté.
La bande originale est signée Rone
Connu notamment pour ses albums «Room with a View» et «Tohu Bohu», ainsi que pour la B.O. du film «Les Olympiades» de Jacques Audiard - pour laquelle il a reçu le prix de la meilleure bande originale au Festival de Cannes - et pour celle de «La Nuit Venue», qui lui a valu un César en 2021, Erwan Castex, alias Rone, signe la musique de ce programme. «La singularité des personnages, l’intrigue vue sous différents angles» ont été pour le compositeur «de précieuses sources d’inspiration» et ses musiques intemporelles, mêlant éléments électroniques et classiques, servent brillamment l'ambiance pesante et le rythme palpitant de la série.