Avec plus de 13 millions de publications dédiées au hashtag «Toy Photography» et plus de 25 millions autour des «Toys», Instagram est devenu la nouvelle galerie des collectionneurs et amateurs de jouets qui aiment les mettre en scène. Un constat qui pousse les géants du secteur comme Hasbro ou Mattel à faire du jouet collector et haut de gamme un nouveau marché.
Dans les allées du Paris Fan Festival, qui s'est tenu du 15 au 16 avril dernier, il est un stand qui n'a pas échappé aux 27.000 visiteurs, celui d'Hasbro. Le géant du jouet était présent pour témoigner de la vigueur des jouets collectors dans un marché en plein boom qui mise sur la nostalgie. Star Wars, GI Joe, Transformers, Donjons & Dragons, Indiana Jones, Marvel... Ces licences bien connues depuis les années 1970-1980 ocupent une place de choix dans le cœur des enfants de cette époque.
Et si les gammes développées au fil des ans visaient principalement à remplir les hottes du Père Noël à destination des enfants, ces dernières années ont vu fleurir des jouets premium, plus chers, mais aussi mieux finis pour satisfaire les collectionneurs. Plus âgés, mais aussi munis de smartphones et d'appareils photo, ces derniers ont rebondi sur les réseaux sociaux afin de mettre en scène leurs héros et bâtir des histoires à la fois touchantes et amusantes.
Un phénomène qui porte le nom de Toy Photography et que Pierre-François Periquet, responsable communication France chez Hasbro, a vu naître : «ce phénomène est apparu il y a environ 10 ans. A cette époque, je travaillais sur les jouets Star Wars et je voyais des amateurs s'amuser à les mettre en scène. Mais depuis cinq ou six ans, tout s'est amplifié à mesure que le marché du jouet de collection s'est installé», confie-t-il à CNEWS.
C'est un mode de consommation qui prolonge la vie du jouet.Pierre-François Periquet
Sur Instagram, il suffit de taper #ToyPhotography ou encore Toys pour voir fleurir immédiatement plusieurs millions d'images mettant en avant figurines, petites voitures, poupées et jeux de société. Certains en ont même fait une passion semi-professionnelle en rassemblant plusieurs centaines de milliers d'abonnés. «Il s'agit d'un mode de consommation qui prolonge la vie du jouet. Et puis, on passe du jeu à l'art», poursuit Pierre-François Periquet.
Certains utilisent un environnement naturel, quant d'autres misent sur des prises de vue avec des décors qu'ils construisent eux-mêmes pour des photos en studio. Un véritable travail sur la lumière, les détails et de composition se met alors en place. C'est le cas notamment du compte d'Haitem Gasmi, responsable digital chez l'agence We Maje, experte en Toy Culture, un jeune homme surtout connu sous le nom de Bespincloud sur Instagram (7.500 abonnés).
Présent au Paris Fan Festival pour partager sa passion, Heitem Gasmi se définit comme un toy photographer. Ce créatif, venu du milieu du cinéma et de la mode, a commencé avec un smartphone, «comme beaucoup», avant d'investir dans sa passion et de miser sur un appareil photo reflex plein format. «Cela donne de la profondeur aux photos, d'autant plus que j'aime ajouter différentes valeurs de plans dans mes images que j'adore surcharger de détails», s'amuse-t-il.
Raconter une histoire
«Mes photos doivent raconter une histoire et je mise sur des objets connus fabriqués à l'échelle du jouet pour poser une ambiance et les inscrire dans notre quotidien». Boîtes de céréales, consoles de jeux, jeu Monopoly miniature, canettes de soda, bornes d'arcade... tous au format 1/12e se marient avec les figurines (entre 15 et 17 cm) en leur donnant une contenance délicieusement rétro. Les fans relèvent les références et s'en amusent en y revoyant leurs chambres d'ados.
Aujourd'hui, 60 % des ventes de jouets Marvel s'adresse à un public plus mûr, 40 % pour les enfants, hors période de sortie de films.Pierre-François Periquet, responsable communication chez Hasbro France
Surtout, le phénomène de la «photographie de jouets» accompagne celui des jouets de collection. Si plusieurs petites entreprises comme Super7 avaient réscussité il y a dix ans des licences disparues des rayons, comme Les Maîtres de l'Univers chez Mattel, les mastodontes du secteurs ont vite compris l'engouement. «Il y a quelques années encore, 95 % des ventes de jouets liés à l'univers des super-héros Marvel étaient adressées aux enfants, aujourd'hui c'est 60 % pour un public plus mûr et 40 % pour les enfants, hors période de sortie de film où les volumes s'adressent alors davantage aux plus jeunes», commente Pierre-François Periquet.
Des figurines en série limitée pour les fans
Un marché tel que le géant américain a même créé son propre site de vente en direct : Hasbro Pulse. «L'idée est de pouvoir proposer des éditions limitée dans un seul et même endroit et de proposer des jouets qui plaisent à des niches différentes. On peut produire certaines figurines en petites quantités, à moins de 500 exemplaires et même lancer des projets en financement participatif», explique-t-il. Un point intéressant, puisque certains produits n'auraient jamais pu voir le jour s'ils devaient répondre aux exigences des grandes enseignes du jouet. «A titre de comparaison, on va produire 10.000 à 15.000 pièces pour des figurines très populaires comme Spider-Man ou Dark Vador», souligne Pierre-François Periquet.
De la réédition de jouets vintage au cross-over entre licences, tout y passe avec des budgets qui peuvent être contenus à quelques dizaines d'euros, comme pouvant dépasser plusieurs centaines d'euros pour les passionnés les plus fortunés.
Certains allant même jusqu'à acheter plusieurs exemplaires d'un même jouet, comme les Storm Troopers de Star Wars, afin de mettre en scène l'équivalent d'une troupe de soldats dans leurs photos. Un souvenir qui peut coûter cher, mais la fameuse Madeleine de Proust carresse la nostalgie d'une génération pour qui le divertissement est roi.