Le crime paie-t-il vraiment ? La série «Inventing Anna», qui est attendue le 11 février sur Netflix, raconte la folle histoire d’Anna Delvey – de son vrai nom Anna Sorokin – qui a réussi à tromper son entourage pendant des années. Avant de se faire prendre.
Dans cette fiction créée par Shonda Rhimes, adaptée d’une enquête ultra-fouillée de la journaliste Jessica Pressler publiée en 2018 dans le New York Magazine (dont Netflix a acheté les droits pour une somme restée secrète), les téléspectateurs retrouveront la comédienne Julia Garner (Ozark) dans le rôle de cette jeune femme qui a littéralement piraté le rêve américain en se faisant passer pour une riche héritière allemande, et en maniant son compte Instagram avec une dextérité peu commune à l’époque.
Comment une jeune stagiaire d’une vingtaine d’années parvient a mener une vie luxueuse en escroquant ses amis, des personnalités, des entrepreneurs, ou encore des sociétés financières pour plusieurs milliers de dollars, à voyager en jet privé, à s’habiller avec des vêtements de grand couturier, à loger dans des palaces hors de prix pendant autant d’années sans se faire démasquer ? On peut reconnaître à Anna Sorokin un certain talent pour obtenir ce qu’elle désire. Issue d’une famille modeste qui a quitté la Russie pour s’installer en Allemagne quand elle avait 16 ans, la jeune femme a abandonné ses études d’art et de design à Londres pour venir s’installer à Paris en 2013. Là, elle obtient un stage dans le magazine de mode Purple. C’est à ce moment qu’elle change de nom pour se faire appeler Delvey.
Cette jeune femme plutôt timide de nature est de toutes les soirées branchées de la capitale française où elle suit les pas du fondateur du magazine, Olivier Zahm, figure réputée des nuits parisiennes. Quand l’occasion de poursuivre son stage à New York se présente, Anna Delvey saisit l’opportunité, et part s’y installer à l’été 2013. Très vite, elle se met à tisser un impressionnant réseau, et cultive le mystère autour de ses origines, de sa fortune supposée de plus de 60 millions de dollars, ou de la profession de ses parents. Son père est un entrepreneur à succès dans les énergies renouvelables… à moins qu’il soit un oligarque russe. Qui sait. Anna Delvey ne se refuse rien, ne regarde jamais à la dépense, du moins en apparence.
Son mode opératoire est parfaitement rôdé. Et atteint son paroxysme en 2017 quand elle invite son amie Rachel Williams, employée au service photo de Vanity Fair, pour un séjour au Maroc dans un palace de Marrakech en 2017. Après un séjour de rêve, au moment de payer la note astronomique de la semaine écoulée, elle explique à son amie avoir des difficultés pour débloquer l’argent auprès de sa banque. Et promet de la rembourser sans tarder dès leur retour. Une mésaventure que Rachel Williams, qui a sacrifié l’épargne de toute une vie pour régler la note, a raconté dans un livre (dont les droits ont été acheté par la chaîne américaine HBO) intitulé My Friend Anna : The True Story of a Fake Heiress.
La chute, la prison, et la renaissance
Anna Delvey a également réussi à berner son monde autour du projet fou de créer une fondation d’Art contemporain à son nom. Après avoir vu sa demande de prêt refusée par une banque, qui a immédiatement repéré l'arnaque (elle utilisait de faux-documents), la jeune femme réussit à convaincre une société de la financer, obtenant une avance de plusieurs dizaine de milliers de dollars. Elle s’en sert alors pour alimenter toujours plus lson personnage d’héritière, et continue de chroniquer sa vie de rêve à travers des publications régulières sur son compte Instagram – qui n’est pas du tout l’outil qu’il est devenu aujourd’hui – où elle est suivie par environ 40.000 abonnés.
C’est en octobre 2017 qu’Anna Delvey est finalement arrêtée par les forces de l’ordre pour des factures impayées. S’en suivra un procès ultra-médiatisé où elle condamnée à une peine de prison et au remboursement de ses victimes pour un somme de 250.000 dollars (près de 219.000 euros). Face aux journalistes, elle explique n’avoir aucun remords vis-à-vis de ses actes. Elle ne passera que trois années derrière les barreaux de Rikers Island, à New York, avant de retrouver la liberté en février 2021. Âgée aujourd’hui de 30 ans, Anna Delvey a payé ses dettes, notamment grâce à son contrat signé avec Netflix estimé à 320.000 dollars (plus de 280.000 euros) pour la série.
Quand on regarde le compte Instagram de la jeune femme, il affiche désormais près de 150.000 abonnés. Un chiffre qui ne devrait cesser de grandir avec toute l’attention médiatique que va générer la série. Dans plusieurs interviews accordées après sa libération, elle a déclaré que «le crime paie finalement», que son séjour en prison a été «thérapeutique», ou encore que ses codétenues l’avait traité comme une célébrité parce qu’elle avait réussi à berner ses riches amis. Malheureusement pour Anna Sorokin, après seulement un mois de liberté, elle a été de nouveau arrêté, cette fois par les services de l’immigration en raison de son visa périmé. La jeune femme aurait pu être renvoyée en Allemagne à la fin mars 2021, mais a finalement été maintenue en détention depuis, dans l’attente d’une décision des services de l’immigration.
Anna Sorokin a récemment publié une lettre ouverte sur le site américain Insider où elle s’exprime sur ses conditions de détention, de l’injustice de la situation dans laquelle elle se trouve actuellement, ou encore de son incapacité à regarder la série sur Netflix au moment de sa mise en ligne. Avec cette question qui la hante désormais : «Vais-je être jugée toute ma vie pour ce que j’ai fait dans ma vingtaine ?».