Récompensé en 1966 par un prix Hugo unique («Meilleure série de SF de tous les temps» pour son cycle de romans «Foundation»), l’écrivain russo-américain Isaac Asimov avait prédit de nombreuses évolutions technologiques. De quoi rendre encore plus intéressante la diffusion sur AppleTV+, de l'adaptation des romans en série.
L’auteur de science-fiction s’est exprimé à plusieurs reprises sur les innovations qu’il pensait voir se concrétiser dans un avenir plus ou moins proche. En 1964, il avait réalisé un premier exercice de prospective avec un texte (accessible en VF sur Framablog) dans lequel il tentait d’imaginer le monde de 2014. Il s’était une nouvelle fois plié à l’exercice en décembre 1983 lors d’une interview avec le quotidien canadien Toronto Star – cette fois à propos de l’année 2019 – mais aussi lors de ses divers passages à la télévision, comme cette interview avec l’animateur David Letterman en octobre 1980.
Station spatiale internationale et conquête de Mars
«En 2014, seuls des vaisseaux sans équipage humain auront atterri sur Mars, même si une expédition humaine sera en préparation et une colonie martienne déjà imaginée».
À la lecture de ces propos datant de 1964, impossible de ne pas penser au rover Curiosity envoyé sur Mars en 2012, et à Perseverance, qui se trouve actuellement sur la planète rouge avec la mission d’y trouver des traces de vie et de tester une technologie conçue pour produire de l’oxygène à partir de l’atmosphère martienne, en vue d'éventuelles missions futures avec des humains.
Dans son interview avec David Letterman, Isaac Asimov parle de la lutte acharnée entre la Russie et les États-Unis pour atteindre la Lune, et évoque la mise en orbite d’une station spatiale dans le futur. C’est d’ailleurs la Russie qui lancera sa première station spatiale en 1986, avant que le projet de la Station Spatiale Internationale ne soit réalisée en 1998 sous l’impulsion de la NASA.
Ordinateur portable, Internet (fibre optique), et smartphone
«Des satellites synchronisés, en orbite, rendront possible les appels directs partout sur la planète. (…) Les communications seront à la fois visuelles et auditives. Vous pourrez à la fois voir et entendre la personne à qui vous téléphonez. Les écrans serviront non seulement à communiquer, mais aussi à consulter des documents, lire des livres, regarder des photos. (…) Tout le monde sera en mesure de créer sa propre chaîne de télévision de la même manière que nous avons tous un numéro de téléphone aujourd’hui».
Dans les deux textes, mais également lors de son interview avec David Letterman, Isaac Asimov évoque le développement des ordinateurs portables, de la fibre optique permettant de décupler les communications à travers le monde ainsi que la création d’un réseau, mais aussi l’avènement du smartphone (et la création de YouTube, voir à 12:34 de l’émission avec Letterman). Il évoque la possibilité de communiquer de n’importe où dans le monde avec le son et l’image. Isaac Asimov fait également référence à la 3D. «En fait, en 2014, il est fort probable que lors des grandes expositions, des télévisions 3D à taille humaine diffuseront des ballets», souligne-t-il en 1964.
Pour ce qui est d’Internet, le romancier prévoit l’avènement de l’ordinateur personnel, et de l’accès à un réseau regroupant les savoirs du monde entier. «Une fois que nous aurons un ordinateur dans chaque maison, chacun d'entre eux connecté à d'énormes bibliothèques, où n'importe qui peut poser n'importe quelle question, et se voir donner une réponse, une référence (...), tout le monde appréciera d'apprendre», professe-t-il.
La robotique
«Les robots ne seront pas très communs ni très performants, mais ils seront bien là».
Là encore, dans son texte de 1964, Isaac Asimov se montre incroyablement visionnaire. Depuis quelques années, la société américaine Boston Dynamics a fait des progrès considérables dans la robotique. Au point que leurs machines sont désormais capables de faire des acrobaties déconcertantes.
L’auteur s’est également exprimé sur l’évolution des moyens de transport. «On se focalisera de plus en plus sur les moyens de transport qui ont le moins de contact avec le sol», dit-il. Ce qui ne manque pas de faire penser au projet Hyperloop développé par Elon Musk, avec une capsule circulant à une vitesse quasi-supersonique dans des tubes à basse pression. Des trains à sustentation magnétique et à lévitation existent déjà.
En 1983, Isaac Asimov imagine les conséquences du développement de l’informatisation, de la robotique et de l’intelligence artificielle. «Les emplois créés ne seront pas identiques à ceux qui auront été détruits, et dans les cas similaires du passé le changement n'a jamais été si radical. (...) Les emplois qui seront créés seront, inévitablement, liés au design, à la fabrication, l'installation, la maintenance et la réparation des ordinateurs et robots, et à une compréhension de ces nouvelles industries que ces machines 'intelligentes' vont rendre possible», avance-t-il.
Changement climatique et environnement
«Les conséquences de l'irresponsabilité humaine en termes de déchets et de pollution seront plus apparentes et de plus en plus insupportables avec le temps, et les tentatives pour y remédier de plus en plus ardues. (...) Il faut espérer que d'ici 2019, les avancées technologiques placeront dans nos mains des outils permettant d'accélérer ce processus afin que la détérioration de l'environnement puisse être inversée».
Isaac Asimov voit juste par rapport aux difficultés rencontrés vis-à-vis de la pollution dans son entretien avec le journal canadien Toronto Star en 1983. Malheureusement, la communauté internationale ne s’est toujours pas entendue sur les moyens à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre la crise climatique.
Dans une interview datant de 1974 publiée par l’INA, Isaac Asimov alerte sur le danger de voir l’humanité se diriger vers sa perte, sauf à donner plus de pouvoir aux machines… au prix d’une certaine idée de la liberté. «Est-il préférable pour l’humanité d’être libre de prendre des décisions qui aboutiront probablement à sa propre destruction, ou bien doit-elle s’en remettre au contrôle des machines pour son confort et son bonheur au prix de sa liberté ? Croyez-vous possible d’avoir les deux ? Moi, je ne donne pas de réponse, je me contente de poser les problèmes».
L’alimentation industrielle
«Des repas entiers, semi-préparés, pourront être stockés au frigo et prêts à être consommés. Les équipements de cuisine pourront préparer des ‘repas automatiques’, chauffer l'eau et en faire du café».
En 1964, Isaac Asimov anticipe la révolution agroalimentaire en imaginant les plats préparés, congelés, qui pullulent aujourd’hui dans les supermarchés. Ou encore la multiplication des machines à café personnelles.