La députée Frédérique Dumas, ex-LREM et actuelle membre du Groupe Libertés et Territoires, exige une enquête sur le contrat de 100 millions d’euros entre Nagui et le groupe France Télévisions.
Le 6 novembre dernier, Frédérique Dumas avait interpellé Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, à l’Assemblée nationale à propos de ce contrat qui avait fait l’objet d’une enquête approfondie de Mediapart en juillet 2020, menant au dépôt d’une plainte pour abus de confiance par la Confédération générale des cadres (CGC), suivi de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris.
Comme elle s’y était engagée, la ministre lui a répondu par courrier le 12 janvier dernier. Une réponse que L’Obs a réussie à se procurer. Interrogée hier à ce propos par le magazine, Frédérique Dumas s’est dit «choquée» par le contenu de cette lettre.
La députée des Hauts-de-Seine assure que le montant de ce contrat signé par Nagui avec France Télévisions pour leur fournir des programmes (Tout le monde veut prendre sa place, N’oubliez pas les paroles, etc.) sur la période 2017-2020 «n’est pas obligatoirement le sujet». Pour elle, ce sont principalement les «clauses exorbitantes du droit commun et dérogatoires par rapport aux usages professionnels. (…) Il n’y a pas d’exigence d’audience, il n’est pas prévu d’audit, la commande porte sur certaines émissions dont le concept n'est pas précisé alors que le montant financier, lui, est bien garanti», précise la députée.
La vigilance de l'Etat en question
Frédérique Dumas est bien consciente que, ni Roselyne Bachelot, ni Bruno Lemaire, le ministre de l’Economie, ne sont «directement responsables du contrat», mais ils le sont «d’une gouvernance». La députée estime que l’État ne peut se satisfaire des explications fournies par France Télévisions, et doit exiger des preuves sur le respect des procédures. «Des représentants de l’État siègent au conseil d’administration de France Télévisions. Ils ont manqué de vigilance ? Le contrat leur a-t-il seulement été soumis ?», explique-t-elle. «Que l’entreprise assure qu’elle a respecté les procédures, cela ne suffit pas ! La ministre doit obtenir les preuves : convocation du comité, ordre du jour, procès-verbal... C’est une question de principe», poursuit Frédérique Dumas, visiblement déçue par la réponse de Roselyne Bachelot.
La députée des Hauts-de-Seine se veut d’autant plus vigilante qu’un précédent scandale avait déjà été observé en 1996 sur les contrats des animateurs-producteurs. «Un élu s'était intéressé aux contrats des animateurs-producteurs. Il était alors apparu - et cela faisait partie du scandale - que Jean-Luc Delarue ne déposait pas ses comptes. Cela n'a pas changé ? Bien sûr que ce n'est pas réglé !», s’insurge-t-elle.
Frédérique Dumas affirme également que Roselyne Bachelot elle-même lui aurait confirmé que des sociétés de production telles que Banijay (le groupe dont fait partie Air Productions, l’entreprise fondée par Nagui, ndlr) continuent aujourd’hui de s’affranchir de cette obligation légale sous prétexte de protéger ces informations jugées sensibles de la concurrence. «Quand on travaille avec le service public, ce genre d’argument est inaudible. Il s’agit de l’argent du contribuable !», conclut-elle.