Désormais présente tous les jours à 8h sur Europe 1, Sonia Mabrouk a aussi pris les rênes de Midi News, une nouvelle tranche info à la mi-journée sur CNEWS. Un exercice inédit pour la journaliste qui a longtemps présenté des émissions en soirée, pour lequel elle promet à la fois rigueur et bonne humeur. Celle qui appelle ses pairs à « cesser de céder à la facilité » dans son nouveau livre, « Douce France où est (passé) ton bon sens ? » (éd. Plon), relève le défi avec panache.
Traiter l’actu le midi plutôt que le soir change-t-il vraiment la donne ?
J’avais envie de revenir à quelque chose de plus réactif, et de vivre davantage l’actualité que de la commenter. Je préfère ce côté direct, plutôt que celui de décryptage en bout de chaîne le soir.
Quels sont les temps forts de cette nouvelle tranche info ?
Il y a deux temps forts avec la même promesse, et ce n’est pas contradictoire, de la rigueur et de la bonne humeur : les journaux de Claire-Elisabeth Beaufort, avec des infos sérieuses et un côté magazine, puis le débat. A cet horaire-là, il ne faut pas hystériser l’actualité. On est dans un travail de pédagogie.
Dans votre dernier livre, vous évoquez «le journaliste emporté par le rythme des chaînes info». N’est-ce pas un peu schizophrène ?
J’admets que je peux me tromper, mais je suis convaincue que dans une chaîne d’information comme CNEWS, on peut concilier actualité chaude, cette actualité continue qui vous bouscule et parfois vous malmène, avec une sorte de prise de distance. Et la liberté m’est donnée de le faire.
Dans votre livre encore, vous appelez vos pairs journalistes à arrêter « d’appréhender le monde tel qu’ils voudraient qu’il soit »…
C’est un constat que je fais depuis plusieurs années et c’est une dérive que moi aussi j’essaie d’éviter, les journalistes ont tendance à psychologiser. On l’a vu par exemple avec le début de mandat de Donald Trump. On ne parlait que de sa personnalité mais – qu’on soit d’accord ou pas avec lui – on n’a pas assez parlé de la politique qu’il mettait en place.
Est-ce parce qu’il est plus vendeur de parler de la psychologie de Trump que de sa politique ?
C’est cela le problème, mais cela nous éloigne de l’essentiel. Qu’il s’agisse de Donald Trump ou du Premier Ministre britannique Boris Johnson, on classe trop vite ces gens-là dans la catégorie populiste sans véritablement voir la politique même et les conséquences qu’elle a pour nous. Je pense qu’il faut qu’on ait une distance par rapport à des personnalités dont on ne partage pas les valeurs, c’est notre rôle premier.
On assiste dans le monde et en France à une montée des extrêmes, est-ce que les journalistes ont leur part de responsabilité ?
Ce que je vois moi, c’est que les journalistes sont de plus en plus des vecteurs et pas des acteurs, dans le sens où je pense que leur influence reste limitée. Je donne pour exemple Donald Trump avant son mandat. Tout le monde était persuadé qu’il n’allait pas passer, y compris une partie des journalistes aux Etats-Unis. Je ne crois pas à l’influence des journalistes sur le cours du monde. Je ne sais pas s’il faut le regretter ou au contraire s’en réjouir en se disant que notre rôle premier n’est pas d’influencer mais d’être observateurs d’un monde qui change et de le raconter tel qu’il change.
Toujours dans votre dernier livre en date, vous dîtes qu’il est urgent de « retrouver du bon sens » …
Quand vous dîtes « bon sens », généralement les gens vous regardent de manière suspicieuse « elle va parler du bon sens donc elle va flatter le peuple, ça va être des propos populistes », mais pas du tout. Je vois le bon sens comme une vraie valeur cardinale, comme une sagesse authentique. C’est un cadre, une intelligence instinctive, celle-là même qui vous permet de donner l’information sans la colorier, sans idéologiser. Le bon sens est une forme de colonne vertébrale dans la vie privée comme dans la vie professionnelle qui était très courant avant chez nos aînés. On se souvient tous d’une remarque de nos grands-parents qui nous rappelle quelque chose d’évident. Je pense qu’on a perdu de vue cette évidence, qu’on la ringardise, alors qu’elle peut nous guider et résoudre des problèmes. Il ne s’agit pas d’en faire un projet de société, mais cela peut-être une petite boussole qui nous guide.