Sagas, polars, ou classiques réédités... Tour d'horizon des sorties poches à mettre dans son sac de plage.
L'été, c'est l'occasion de rattrapper les lectures que l'on a remises à plus tard pendant l'année... Et de découvrir en format poche les succès littéraires des mois précédents. CNews vous propose une petite sélection d'ouvrages à glisser dans vos valises.
«CELLE QUI FUIT ET CELLE QUI RESTE», D'ELENA FERRANTE
Le troisième et avant-dernier volet de la saga «L'Amie Prodigieuse», d'Elena Ferrante, vient de sortir en poche. On y retrouve les deux personnages principales, Lenù et Lila, devenues adultes. La première est installée à Florence, où elle se débat entre ses deux filles, sa carrière d'écrivain balbutiante mais prometteuse, son mariage imparfait et les réapparitions intempestives de Nino, son amour de jeunesse contrarié. Restée à Naples, la seconde tisse sa toile dans leur quartier d'origine, dont elle devient peu à peu la reine des fous.
Après un premier volume essentiellement psychologique sur l'enfance des deux fillettes, et un second tome plus sociologique sur leur confrontation avec des milieux différents à l'adolescence, ce troisième volet ajoute à la suite romanesque une dimension politique, en y insufflant un plaidoyer féministe, mais aussi en revenant sur l'effervescence idéologique de l'Italie des années 1970. C'est fin, instructif, et construit de telle manière qu'on ne peut pas s'en séparer avant de l'avoir fini. Seul bémol : l'ultime rebondissement crée un tel suspens que vous aurez du mal à attendre la sortie du quatrième en poche.
Folio, 8,30 euros
«VERNON SUBUTEX, 3», DE VIRGINIE DESPENTES
C'est l'autre feuilleton-phénomène de ces dernières années. Virginie Despentes a conclu, fin 2017, sa trilogie «Vernon Subutex», et l'édition poche de l'ultime volume ne s'est pas faite attendre. L'ex-disquaire paumé devenu DJ qui donne son nom à l'ouvrage agrège autour de lui un groupe hétéroclite, échantillon bien pensé de la société française à l'aube du 3e millénaire.
Déjouant les clichés, Virginie Despentes excelle dans l'art du portrait, croquant des personnages à la fois inattendus et criants de vérité. Sans jamais les juger ni les édulcorer, elle parvient à susciter l'empathie de ses lecteurs pour tous ses protagonistes - y compris, de manière assez dérangeante, pour les plus détestables.
Le Livre de Poche, 7,90 euros
«PASTORALE AMÉRICAINE», DE PHILIP ROTH
Le géant des lettres américaines est mort le 22 mai à 85 ans, entraînant un déferlement d'hommages unanimes, qui auront peut-être donné envie à certains de se (re)plonger dans son œuvre. «Pastorale américaine», paru en 1997, en offre un condensé.
On y croise l'alter-égo de l'auteur, Nathan Zuckerman, mais il n'y joue qu'un rôle secondaire. L'histoire est celle de son ancien camarade de classe, surnommé «le Suédois». Ce grand blond parfait, héritier d'une petite industrie, est marié à une toute aussi parfaite ex-miss New Jersey, heureuse de s'occuper des vaches dans leur ferme à la campagne. Une image ultime du rêve américain, réduit à néant par un événement irrémédiable et incompréhensible. Connaît-on les personnes avec qui l'on vit ? Qu'est-ce qui nous pousse à agir ? À quoi tient une famille ? Le roman ne répond à aucune de ces questions, mais les pose avec une acuité bouleversante.
Folio, 9,40 euros
«Jeux de miroirs», d'E. O. Chirovici
Premier livre rédigé en anglais de l'écrivain roumain E. O. Chirovici, «Jeux de miroirs», sorti en poche cette année, a été traduit en 38 langues. Ce brillant thriller commence sur la découverte d'un extrait de manuscrit inspiré de l'affaire Wieder, l'assassinat d'un ponte de la psychologie, qui avait captivé les États-Unis longtemps auparavant. Le texte, envoyé à un agent littéraire, semble contenir les réponses à cette énigme jamais élucidée. Mais lorsque son destinataire essaie d'en contacter l'auteur, il apprend que celui-ci est mort.
Avec un journaliste d'investigation en mal de notoriété et un ancien policier autrefois chargé de l'affaire, l'agent littéraire tente de recouper les informations du manuscrit avec les souvenirs des témoins de l'époque. Tout l'intérêt de l'œuvre est justement basé sur la duplicité de ces souvenirs, rendant les informations tantôt concordantes, tantôt contradictoires. Un montage habile, qui fait confiance à l'intelligence du lecteur.
Pocket, 7,50 euros
«I LOVE DICK», de chris Kraus
«I Love Dick» serait un livre très agaçant s'il n'était pas génial. Le style est plat, le sujet nombriliste, le mauvais goût jamais loin (comme le suggère l'ambivalence du titre). Mais ces défauts, assumés, n'enlèvent rien à la finesse du récit, ni à sa cruelle lucidité.
Les faits rapportés remontent aux années 1990, quand une artiste américaine, mariée à un intellectuel en vue, s'éprend d'un ami de ce dernier, Dick, rencontré lors d'un dîner, et plus jamais revu. Elle lui adresse des lettres qu'elle ne lui envoie pas, mais confie son étrange passion à son époux, qui, par jeu, commence, à son tour, à écrire à Dick. De ce triangle amoureux absurde, la protagoniste fait surgir tout ce que sa vie de femme mariée l'a contrainte à refouler, dressant un bilan sans pitié de la place des femmes dans le couple, dans la société et dans l'art.
Sorti une première fois en 1997 aux Etats-Unis, le livre avait été étrillé par la critique, avant une nouvelle édition en 2015 et une adaptation en série télévisée en 2017. Il est paru en poche en début d'année.
J'ai Lu, 7,60 euros
«LE tunnel aux pigeons», de john le carré
Après une vingtaine de romans, le maitre britannique de la littérature d'espionnage, John Le Carré, a récemment décidé de se pencher sur sa propre existence. Dans «Le Tunnel aux pigeons», il revient sur son expérience d'agent secret pendant la guerre froide, s'attardant surtout sur ses rencontres. On y découvre les souvenirs qui ont nourri les intrigues de ses livres, construits sur un aller-retour constant entre imaginaire et documentation. Loin de donner sa vie en spectacle, sans introspection ni épanchement intime, John Le Carré, en plus de nous instruire, nous fait rire à ses dépens, ses aventures extraordinaires n'ayant jamais entaché son sens de l'autodérision.
Points, 8,20 euros
«CHANSON DOUCE», DE LEÏLA SLIMANI
Le deuxième roman de Leïla Slimani, qui lui a valu le prix Goncourt en 2016, est désormais disponible en poche. Glissez-le dans votre sac pour un long trajet en avion ou en train : c'est le genre de livre qu'on dévore d'une traite. Certes, l'emballement médiatique a placé la barre de nos attentes si haut qu'on ne peut écarter un risque de petite déception. Mais si «Chanson Douce» n'est pas nécessairement le chef d'œuvre que certains y ont vu, il reste un roman habile, autour d'une idée intéressante : l'interdépendance malsaine d'une famille parfaite et de sa nounou idéale.
Folio, 7,25 euros
«LA VILLA», DE PETER NICHOLS
Deux nonagénaires britanniques se croisent à Majorque et se lancent dans une dispute fatale. Des décennies plus tôt, ils étaient mariés, avant de se séparer et de s'éviter avec soin pour le reste de leur existence. Comment en sont-ils arrivés là? Peter Nichols remonte le temps et les générations, entre Majorque, Marrakech, Londres et Paris, pour tricoter une savoureuse saga familiale.
Certes, ceux qui cherchent le Marcel Proust du XXIe siècle repasseront. Mais ceux qui rêvent des rebondissements d'un feuilleton de l'été, tout en répugnant à s'enfermer devant la télévision par beau temps, devraient y trouver leur compte. Emmenez ce livre à la plage, vous aurez le rythme et l'ambiance des séries estivales sans renoncer au soleil.
10/18, 9,10 euros
«les arrangements», de chimamanda ngozi adichie
Vous aimeriez profiter de l'été pour réviser votre anglais ? C'est possible, même en passant vos vacances en France. Folio propose en effet une jolie sélection d'ouvrages bilingues, dont on retiendra notamment un recueil de nouvelles de la Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, «Les arrangements et autres histoires / The Arrangements and Other Stories». L'auteur, qui nous avait habitués aux pavés avec les magnifiques «Americanah» et «L'autre moitié du soleil», y révèle son talent pour le format court.
Ses nouvelles, rythmées et admirablement construites, constituent un échantillon de son art romanesque. On y retrouve ses obsessions pour les relations ambivalentes, entre les hommes et les femmes, entre l'Amérique et l'Afrique, entre les générations... Avec Melania Trump en guest-star. Un bonbon pour les fans, et une bonne porte d'entrée pour les non-initiés.
Folio, 8, 30 euros
«Anna karénine», de tolstoÏ
Autre bonne résolution estivale récurrente : relire ses classiques. Pocket lance justement une nouvelle collection dédiée, avec notamment «Anna Karénine» de Tolstoï. Formellement sans défaut mais facile d'accès, assez long pour occuper toutes les vacances mais jamais ennuyeux, c'est le chef d'œuvre d'été par excellence, celui qui met fin à la peur des classiques et fait aimer la lecture. La passion d'Anna Karénine pour le frivole comte Wronsky, sur fond de crépuscule de la Russie tsariste, constitue l'apogée de l'œuvre de l'auteur.
Pocket, 5,50 euros