La comédienne française Isabelle Huppert a apporté son soutien samedi à Berlin aux actrices révélant les abus et mauvais traitements qu'elles peuvent subir, estimant que cette libération de la parole "aurait dû" se faire plus tôt.
«Ca fait bien longtemps que tout ce qui a été dit --depuis que ça a commencé il y a quelques mois-- aurait dû être dit», a affirmé la comédienne lors d'une conférence de presse, sans mentionner directement l'affaire Weinstein.
«C'est aussi pour cela que je fais du cinéma, pour parler des femmes d'une certaine manière. Je suis personnellement très contente que certaines choses soient dites, de manière définitive j'espère», a-t-elle ajouté, évoquant «sympathie et espoir» face à la vague #MeToo.
Dans «Eva» de son compatriote Benoît Jacquot, en compétition à la Berlinale, elle incarne une prostituée qui croise la route d'un dramaturge (Bertrand, interprété par Gaspard Ulliel) et va bientôt se révéler vénéneuse pour lui.
En adaptant un roman noir de James Hadley Chase, déjà porté à l'écran par Joseph Losey (1962, avec Jeanne Moreau), Benoît Jacquot offre un rôle de femme fatale à Isabelle Huppert, une de ses actrices fétiches.
Sixième collaboration avec Benoît Jacquot
Les deux compères en sont à leur sixième collaboration, après des films comme «L'école de la chair» ou «Villa Amalia».
Le personnage d'Eva «semble fatale pour Bertrand mais elle ne fait pas exprès», a souligné l'actrice, qui est tantôt une prostituée perruquée et fardée, tantôt une bourgeoise de province dans le film.
Un rôle de femme forte qui évoque à certains égards son personnage dans «Elle» de Paul Verhoeven, pour lequel elle a reçu un Golden Globe de l'association de la presse étrangère à Hollywood.
«Oui, il y a des points communs. Une certaine solitude, un côté tranchant de prime abord, la volonté de ne jamais être considérée comme une victime, un contrôle apparent. Il est évident que derrière cette façade, il y a autre chose», a souligné l'actrice.
«Cette Eva lui apparaît comme une bouée de secours»
Variation sur l'imposture, «Eva» permet à son réalisateur, connu pour ses portraits de femmes («Les adieux de la reine»), d'explorer une figure masculine, avec le personnage de Gaspard Ulliel.
«Cette Eva lui apparaît comme une bouée de secours. Elle est aussi double que lui. Les deux lignes de vie se mettent en miroir, ce qui n'est ni dans le livre, ni dans le roman», a expliqué le réalisateur à l'AFP.
Malaxant à son gré le roman initial, il a également introduit une différence d'âge entre les deux personnages principaux.
«Ca m'intéressait d'inverser la figure habituelle de la jeune femme avec un homme qui à l'âge d'être son père. Ca recoupait une figure du monde tragique: un homme qui rencontre une femme de manière forte et quasiment fatale et elle a l'âge de sa mère.»