Les 33e Victoires de la musique ont sacré le rap français et son nouveau chef de file Orelsan, auteur d'un triplé et désigné artiste masculin de l'année, vendredi lors d'une soirée dédiée à Johnny Hallyday qui a également couronné pour la première fois Charlotte Gainsbourg..
«Je voudrais remercier le public, sans qui je serais juste un type qui fait de la musique dans sa chambre», a sobrement commenté le rappeur de 35 ans, arrivé en fin de soirée à la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt, en provenance de Genève où il se produisait en concert. Avec son album «La fête est finie», il a supplanté le vétéran Bernard Lavilliers et le rappeur-chanteur Soprano.
Egalement récompensé pour le clip de «Basique» et dans la catégorie «album des musiques urbaines», Orelsan, dont le début de carrière a été perturbé par des accusations de misogynie, fait aussi bien que Stromae en 2014.
Il contribue largement à la mainmise du hip hop sur ces Victoires avec six trophées gagnés sur les douze en jeu. Une première pour une seule édition.
MC Solaar a rajouté une 5e Victoire à son palmarès pour «l'album chansons de l'année» avec «Géopoétique». Gaël Faye, revenu à la musique après son succès littéraire avec «Petit Pays», s'est imposé dans la catégorie «révélation scène». Et le duo Bigflo & Oli a été plébiscité par le public dans la catégorie «chanson originale de l'année» pour "Dommage».
«On le sent dans la tête des gens : aujourd'hui, il n'y a plus de clivage entre le rap et les autres styles. Le changement est fait !», se sont réjouis les deux frères toulousains en coulisses.
Gainsbourg et les siens
La vague rap ferait presque de l'ombre à l'autre triomphe de la soirée, celui de Charlotte Gainsbourg, sacrée pour la première fois dans la catégorie reine d'artiste féminine. L'actrice-chanteuse, apparue avec une chemise en jean comme les affectionnait son père, connaît la consécration musicale à 46 ans.
Dans son dernier album électro-mélancolique, Elle évoque pour la première fois avec des textes français la mémoire de son père disparu en 1991 et de sa demi-soeur Kate Barry, morte en 2013.
«Cet album, j'ai eu ma soeur en tête (Kate Barry), je pense à elle ce soir. J'ai mon père en tête bien sûr. Mais aujourd'hui il porte ma vie aussi. Moi je suis vivante et je veux célébrer les gens autour de moi, ma mère (Jane Birkin), ma soeur (Lou Doillon), mon frère (Lulu)», a-t-elle déclaré.
Avant cela, -M- et ses amis maliens Toumani & Sidiki Diabate et Fatoumata Diawara, avaient remporté la catégorie «album de musiques du monde», les joyeux déjantés de Shaka Ponk («The Evol») celle du «rock» et Dominique Dalcan celle des musiques électroniques.
«Requiem» pour Johnny
La cérémonie présidée par Sting avait débuté dans l'émotion avec un hommage à Johnny Hallyday, disparu le 6 décembre à 74 ans des suites d'un cancer. Les toutes premières notes de la soirée furent celles de «Toute la musique que j'aime», jaillissant des instruments des musiciens de «l'idole des jeunes», dont son guitariste Yarol Poupaud, un des artisans de son album posthume attendu cette année.
Slimane et Florent Pagny, qui ont participé à l'album hommage à la star paru en novembre, les ont rejoints pour reprendre «Requiem pour un fou», un des plus grands tubes de Johnny.
Sous les yeux de la ministre de la Culture Françoise Nyssen, d'autres hommages se sont succédé. A France Gall, avec sobriété et justesse par Louane, à Etienne Daho, avec plus de conviction par Eddy De Pretto, les BB Brunes et Juliette Armanet qui venait de recevoir aux bords des larmes sa Victoire de l'album révélation.
Les performances scéniques les plus marquantes furent celles de Gaël Faye qui a justifié son prix avec une superbe version de «Paris Métèque», et de Camille qui a fêté sa Victoire du «spectacle musical» en jouant «Seeds» tambour à la main au milieu du public.
La soirée diffusée sur France 2, réputée pour sa longueur, n'a pas dérogé à la règle. Pendant les trois heures et demie d'antenne, l'animatrice Daphné Burki a peiné à maintenir l'intérêt du public. Parfois perdue, parfois elle-même déroutante dans ses tentatives de faire rire, elle a plusieurs fois souligné : «On vit une sacrée soirée».