Une histoire incroyable ne fait pas un bon film : avec sa reconstitution de l'attentat déjoué du Thalys en 2015, Clint Eastwood livre un long-métrage sans autre ambition que flatter le patriotisme américain et saluer le courage de «héros ordinaires».
Ce nouveau projet s'inscrit dans la lignée de sa production récente retraçant des histoires réelles de personnages aux expériences hors du commun, après «American Sniper» (2014), film très controversé sur un tireur d'élite en Irak, et «Sully» (2016), sur l'amerrissage forcé d'un vol commercial sur le fleuve Hudson, avec Tom Hanks.
Sauf qu'à la différence des précédents opus, Eastwood a tenté le pari de faire jouer leur propre rôle aux trois véritables «héros» du Thalys : Spencer Stone, Alek Skarlatos et Anthony Sadler.
«Le 15h17 pour Paris» raconte comment le 21 août 2015, les trois hommes étaient intervenus à mains nues pour désarmer un jihadiste marocain, armé d'une kalachnikov et muni de chargeurs pleins dans un Thalys Amsterdam-Paris. Un tour de force qui a évité un carnage.
«C’était très intéressant de revenir dans le train. (...) Psychologiquement, ce n’était pas traumatisant pour nous car personne n’a perdu la vie ce jour-là et beaucoup de positif est sorti de tout ça», a confié Anthony Sadler au magazine Paris Match.
Le réalisateur a aussi engagé des personnels de santé et des pompiers du Pas-de-Calais qui ont répondu à l'alerte donnée alors que le Thalys Amsterdam-Paris était dérouté vers la gare d'Arras.
«J'ai repris mon rôle d'infirmière (...) C'est totalement différent, on a des gestes qui ne sont pas pareils. J'ai envie de dire : c'est moins naturel», a expliqué à l'AFP Nathalie Capron.
Filmée sans esbroufe, la scène du Thalys arrive tardivement dans le film qui dure un peu plus d'1h30. Elle permet au moins d'y voir plus clair dans le déroulement des faits.
Selfie et pole dance
En revanche, le réalisateur d'«Impitoyable» passe la première heure à explorer le parcours de ces trois inséparables élevés dans la banlieue de Sacramento (Californie), entre convocations chez le proviseur, tirs avec des armes factices et discussions sur la vie.
Son attention se porte tout particulièrement sur Spencer. Gamin élevé par sa mère, fasciné par les armes, il a collé au mur de sa chambre l'affiche du film d'Eastwood «Lettres d'Iwo Jima» et rêve de sauver des vies, quitte à ne pas respecter les règles du jeu, même militaires.
Taiseux au crâne rasé, c'est lui qui foncera le premier sur le jihadiste armé, au péril de sa vie.
Tout au long du film, dans des scènes caricaturales (un professeur citant l'exemple de Roosevelt, un homme qui «a agi», ou une fausse attaque dans un bâtiment militaire), Eastwood va semer des indices fléchés pour annoncer le destin de ce personnage.
Ensuite, le film va se concentrer sur le tour d'Europe des trois amis d'enfance (Venise, Rome, Berlin, Amsterdam), résumé par des scènes de beuverie, de pole dance en boîte de nuit et de selfies pris à la perche devant des lieux touristiques.
C'est là que Clint Eastwood fait le plus oublier le grand cinéaste qu'il a été : mise en scène plate, dialogues indigents, il tente de se mettre dans la tête de ses jeunes interprètes en filmant des personnages féminins au ras des sous-vêtements.
Le film s'achève à l’Élysée, où les trois héros ont reçu la Légion d'honneur, la plus haute distinction française, des mains du président de la République. Une scène mêlant images d'archive et reconstitution bâclée avec un faux François Hollande, de dos, auquel personne ne croit.
Très attendu, le film n'a pas été présenté à la presse. Seules des rencontres avec les trois héros ont été organisées. Il sort vendredi aux Etats-Unis.