Passer en deux ans du statut de livreur de pizza à celui de superstar du rap reçue à l'Elysée : «la success-story» de MHD, bien que française, ne pouvait qu'amener le jeune artiste du 19e arrondissement de Paris aux Etats-Unis, le berceau du rap.
«Faire une tournée ici, c'était un rêve de gosse!», a-t-il déclaré à l'AFP lors de son passage à Washington, vendredi. En un peu plus d'une semaine, MHD enchaîne sept dates aux quatre coins des Etats-Unis et au Québec. «Ca n'a pas été fait dans le rap français», avance-t-il fièrement.
IAM avait bien eu une expérience identique en 2015, mais les Marseillais avaient déjà plus de vingt-cinq ans de carrière. Mohamed Sylla, de son vrai nom, n'a sorti qu'un seul album et n'était pas encore né quand ses aînés phocéens ont connu le succès.
Natif de Vendée, Sénégalais et Guinéen d'origine, le jeune homme de 23 ans a passé la majeure partie de sa vie à Paris, près du quartier de Belleville.
En 2015, alors qu'il est livreur de pizza, il se fait remarquer grâce à un «freestyle», une improvisation, postée sur les réseaux sociaux. Très vite il s'impose dans le paysage musical grâce à son style détonant : l'afro-trap, mélange de trap, un style de rap à la mode, et de sonorités africaines.
Son tube «Afro Trap Part. 3 (Champions League)», hymne à la gloire du PSG, est relayé par les stars parisiennes et tout s'emballe : l'album sorti en 2016 est certifié double disque de platine.
Julien Hollande réalise ses clips
Avant la fin du mandat de François Hollande, il est invité à l'Elysée par le président de la République, lors de la visite du président guinéen Alpha Condé. Pour l'occasion MHD troque le survêtement pour le costume, mais reste intimidé par le décorum: «On me présentait tous les plats lors du dîner, j'étais gêné, j'ai pas l'habitude. Je suis plutôt fast-food, les beaux restos c'est pas mon truc».
La connexion, explique-t-il, s'est en partie faite grâce à Julien Hollande, le fils du président. «On se connaît, il a réalisé plusieurs de mes clips».
Si MHD décolle en France, ce n'est rien par rapport à ce qui l'attend en Afrique: à Conakry il est accueilli comme un chef d'Etat avant de donner un concert dans un stade de plus de 60.000 personnes.
Outre-Atlantique, il se produit dans des salles bien plus petites. «Ca fait pas de différence», assure-t-il. «C'est même plus dur de chanter devant 500 personnes : les gens sont plus près, tu dois interagir avec tout le monde».
MHD est l'un des rappeurs français qui s'exportent le mieux à l'étranger, sa musique festive étant plus axée sur les refrains accrocheurs et les pas de danse qui l'accompagnent que sur la complexité des paroles.
«Je ne fais pas du rap»
Dans son travail, MHD explique être «très pointilleux». Comme d'autres noms de la nouvelle génération du rap français (PNL, Jul...), il a compris que le succès passe dorénavant par la communication et le rapport qu'il peut entretenir avec son public.
Fini les concours de rimes ou de «flow» (l'intonation, le débit), pour déterminer quel rappeur a la plus grande aisance au micro, comme dans les années 90. «Je ne suis pas dans la catégorie "rappeur". Je ne fais pas du rap français. Je veux être rangé dans la catégorie "autre". Il n'y a pas beaucoup de disques en général dans la catégorie "autre"», reconnaît-il lui-même en souriant.
Mais le jeune chanteur communique en permanence avec ses fans sur les réseaux sociaux, répond aux questions, réagit à leurs messages et prend en compte leurs demandes. «Je réfléchis beaucoup à des idées et à des concepts pour mes posts, comment je vais pouvoir annoncer la sortie d'un nouveau clip par exemple», détaille-t-il. Il gère lui-même ses comptes Snapchat et Instagram, sur lequel il est suivi par 1,5 million de personnes, et rechigne à donner son mot de passe à ses managers. Son téléphone est devenu presque aussi important que son micro.
Sur scène, il ne le quitte d'ailleurs presque pas. Pendant qu'il chante, MHD se filme souvent en «selfie» avec la foule, pour partager l'instant avec l'ensemble de ses fans sur Snapchat. «C'est un moyen de leur faire vivre mon histoire», résume-t-il. Ses abonnés en redemandent.