Le verdict est tombé mais la colère ne faiblit pas. Au septième jour de grève dans les transports, ponctuée de mobilisations en série, Edouard Philippe a dévoilé, ce mercredi 11 décembre, les grandes lignes de la future réforme visant à remplacer les 42 régimes actuels de retraite par un système universel par points.
Dans un discours solennel, le Premier ministre a, sans surprise, officialisé une série de concessions. Il a par exemple indiqué que les générations nées avant 1975 ne seraient finalement pas concernées par la réforme.
Mais si le chef du gouvernement a assuré que «ces garanties données» justifient que le mouvement «s’arrête», les annonces sont loin d’avoir convaincu les grévistes qui, au contraire, ont appelé à le renforcer.
Les opposants très remontés
Sans surprise, les réactions les plus virulentes sont venues de la CGT, dont la branche cheminots, premier syndicat de la SNCF, veut, au côté de l’UNSA, organisation majoritaire à la RATP, durcir la grève. «Le gouvernement s’est moqué du monde», a ainsi réagi Philippe Martinez.
L’exécutif a en effet confirmé que les régimes spéciaux - dont les bénéficiaires sont les plus actifs depuis le début du mouvement - allaient bien disparaître, même si la transition devrait être plus longue que celle initialement envisagée.
A ce stade, dans le secteur, seuls les salariés nés à partir de 1980 (pour ceux qui liquident leurs droits à 57 ans) et 1985 (pour ceux qui partent à 52 ans) sont en effet concernés.
Autre sujet sensible : la mise en place d’un «âge d’équilibre», selon les termes du gouvernement, fixé à 64 ans. Les travailleurs qui choisiront de partir à la retraite avant cet âge seront pénalisés financièrement (malus), alors que ceux qui choisiront de partir après seront, à l’inverse, avantagés (bonus).
«Une ligne rouge a été franchie», a tonné Laurent Berger, le numéro un de la CFDT. Car, dès le début des négociations, son syndicat - le plus important parmi ceux favorables à la réforme par points - avait en effet jugé que cet «âge pivot» allait pénaliser ceux qui ont commencé leur carrière tôt.
«Le mécontentement et la détermination restent entiers», résume la FSU, premier syndicat chez les enseignants dont le futur système, s’il est censé «sanctuariser» le niveau de leur pension, a toutefois été un «électrochoc», révélant un malaise plus profond.
Même son de cloche chez les policiers, qui, malgré la promesse de dérogations, ont eux aussi appelé à «durcir» le mouvement.
De minces marges de manœuvre
Devant une telle levée de boucliers, la voie vers une sortie de crise semble nettement se boucher pour le gouvernement.
Une fois la réforme des retraites présentée, Edouard Philippe a toutefois assuré au Sénat que sa porte était «ouverte» à la discussion et sa main «tendue» aux organisations syndicales.
«En l’état, la stratégie de l’exécutif pourrait consister à continuer de rassurer les Français en offrant des garanties sur le futur système», analyse l'universitaire et spécialiste des mouvements sociaux Rémi Bourguignon. Ce faisant «ne resteraient mobilisés que les régimes spéciaux», explique-t-il.
Dans ce contexte, le soutien de l’opinion aux grévistes, jusque-là majoritaire, pourrait être renversé. La journée de jeudi, avec de nouvelles mobilisations, constituera ainsi un vrai test pour la suite du mouvement.