Après pratiquement dix mois d'une contestation populaire massive et inédite, les Algériens sont appelés jeudi aux urnes afin d'élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika, dans une présidentielle perçue comme une manoeuvre de survie du régime, qu'ils devraient largement bouder.
Le "Hirak", mouvement antirégime né le 22 février, ne montre aucun signe d'essoufflement et reste farouchement opposé à ce scrutin que le pouvoir, aux mains de l'armée, veut organiser coûte que coûte, malgré la tension.
Les cinq candidats sont tous perçus par la contestation comme des enfants du "système".
Le mouvement dénonce une "mascarade électorale", exige plus que jamais la fin de ce "système" au pouvoir depuis l'indépendance en 1962 et le départ de tous ceux qui ont soutenu ou pris part aux 20 ans de présidence de M. Bouteflika, contraint à la démission en avril.
Vendredi, la dernière manifestation hebdomadaire avant l'élection a rassemblé une foule monstre, montrant l'étendue du rejet.
Et, à moins de 24 heures du scrutin, des milliers de manifestants ont encore affiché mercredi leur détermination à Alger aux cris de "Pas de vote!" Ils ont forcé un important dispositif de police qui n'a pu les disperser qu'en chargeant violemment.
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Les bureaux de vote doivent ouvrir à 8H00 locales (7H00 GMT) et fermer à 19H00 (18H00 GMT), heure à laquelle aucun chiffre ne devrait être disponible. Lors des précédents scrutins, le taux de participation avait été communiqué tard dans la soirée, et les résultats annoncés le lendemain.
En fonction du résultat, un second tour pourrait avoir lieu dans les prochaines semaines.
- Appel au calme -
Faute de sondages en Algérie, il est difficile de prévoir quelle part des 24 millions d'électeurs iront voter, dans un pays où la participation est déjà traditionnellement faible. Mais la plupart des observateurs s'attendent à une abstention massive.
Les bureaux de vote des consulats algériens de l'étranger, où le scrutin a commencé samedi, ont donné une indication: des bureaux quasi vides, devant lesquels des manifestants conspuent les rares citoyens venus voter.
"Aucun des cinq candidats ne peut espérer être considéré comme légitime" par les contestataires et "le vote sera boycotté à une large échelle", prévoit Anthony Skinner, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la société d'analyses de risques Verisk Maplecroft.
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Mercredi, des personnalités proches du "Hirak", dont l'avocat Mustapha Bouchachi ou les universitaires Nacer Djabi et Louisa Dris-Aït Hammadouche, ont averti du contexte de "vives tensions" dans lequel va se dérouler le scrutin, lançant un appel au calme.
Dans un texte, ils ont appelé les autorités "à renoncer aux discours provocateurs, à l'usage du langage de la menace et à cesser d'accuser de trahison tout citoyen porteur d'opinion contraire à celle du pouvoir". Ils ont rendu ce dernier "responsable de tout dérapage éventuel dans les jours à venir".
Ces personnalités ont aussi exhorté les contestataires à "demeurer pacifiques" en refusant de "répondre aux provocations" et en veillant à "ne pas empêcher l’exercice par d’autres citoyens de leur droit à s'exprimer librement".
- Contre le "système" -
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La campagne électorale a été compliquée pour les cinq candidats (Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmajid Tebboune), qui ont été régulièrement accueillis par des manifestants hostiles et ont peiné à remplir les salles.
Le "Hirak" les accuse de cautionner le "système" en se présentant, et relève leur passé au sein de l'appareil Bouteflika. Tous ont soutenu cette présidence, voire y ont participé: MM. Tebboune et Benflis furent Premiers ministres et M. Mihoubi ministre.
"Comment faire confiance à ceux qui ont trahi le pays et aidé Bouteflika?", résumait mercredi sur une pancarte une manifestante à Alger.
Pilier du régime, historiquement habitué aux coulisses, le haut commandement de l'armée assume ouvertement le pouvoir depuis la démission de M. Bouteflika.
Après une première tentative d'élection avortée en juillet, il s'obstine à vouloir rapidement lui élire un successeur afin de sortir de l'actuelle crise politico-institutionnelle, qui a aggravé une situation économique déjà compliquée.
Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major et visage public de ce haut commandement, "ne veut pas être tenu responsable des perspectives économiques de plus en plus négatives", estime Anthony Skinner.
Il "préfère de loin avoir un président élu qui se retrouvera directement dans la ligne de mire (de la contestation) et aura la tâche peu enviable de réformer l'économie" du plus vaste pays du continent africain, fort de plus de 40 millions d'habitants, dit-il.
L'absence de légitimité du futur président, qui succèdera officiellement au chef de l'Etat par intérim Abdelkader Bensalah, est déjà donnée pour sûre par les observateurs. Ils prévoient une poursuite de la contestation.