Une étonnante brume remplit le stade Khalifa de Doha, écrin de lumière dans la nuit noire du Qatar. Ce voile blanchâtre a été déchiré par l'Américain Christian Coleman, implacable nouveau champion du monde du 100 m marqué par le doute qui l'entoure depuis la révélation de largesses prises avec l'antidopage.
Au terme d'une finale dominée de bout en bout, Christian Coleman a réalisé un temps canon (9.76), réalisant son record personnel et devenant au passage le 6e meilleur performeur de l'histoire.
Dans une inversion des rôles par rapport à 2017, Coleman a devancé son compatriote tenant du titre Justin Gatlin qui remporte l'argent à 37 ans (9.89). Le Canadien Andre de Grasse confirme son grand retour au plus haut niveau après deux saisons difficiles en décrochant le bronze (9.90).
Dans cette espèce de brouillard qui investit le stade Khalifa lorsque la climatisation est enclenchée, pour contrer la chaleur du Qatar, Coleman a simplement confirmé l'évidence.
Meilleur sprinteur sur la ligne droite depuis deux ans et la retraite de la légende Usain Bolt, l'Américain de 23 ans, avec ce premier titre planétaire, avait tout pour reprendre le flambeau de roi du sprint.
Homme le plus rapide du monde depuis deux saisons (9.79 en 2018, 9.76 donc en 2019), recordman du monde du 60 m (6.34 en 2018), jeune (23 ans), puissant mais pas intimidant: l'athlétisme mondial devrait se réjouir de l'avènement du Floridien.
- L'ombre du dopage -
Mais le voyant du doute, jamais bien loin en athlétisme, clignote en rouge depuis la fin août.
Trois manquements à ses obligations antidopage ont conduit l'Agence américaine antidopage (Usada) à lancer une enquête sur Coleman, menacé d'une suspension d'au moins douze mois qui a mis en danger ses rêves mondiaux et olympiques. Mais l'Usada s'est trompée sur la date d'enregistrement du premier manquement et n'aurait pas dû ouvrir l'enquête, laissant Coleman plaider l'étourderie et se qualifier de "victime".
Comme pour se libérer, Coleman a hurlé sa rage à la fin de la course, levant les bras, toisant la caméra le torse bombé pour répéter "c'est moi le champion du monde".
Reste donc la suspicion mais aussi cette épée de Damoclès: avec deux manquements sur l'année écoulée, Coleman n'a pas le droit à l'erreur jusqu'à fin mars 2020 s'il veut voir Tokyo.
L'ombre du dopage continue ainsi de poursuivre le 100 m: sur les huit sprinteurs qui ont couru en moins de 10 sec 80, tous sauf Usain Bolt ont vu leur nom terni par une affaire (Maurice Greene et Coleman donc n'ont néanmoins jamais été suspendus).
Parmi eux, l'inoxydable Justin Gatlin (suspendu deux fois pour dopage dans sa carrière) a agrandi son incroyable collection avec une médaille d'argent à 37 ans: c'est sa 4e médaille mondiale sur 100 m (deux en or, deux en argent) en plus d'avoir été champion olympique en 2004 sur la distance.
Pour la première fois depuis 10 ans aucun Français n'était invité à la grande finale du 100 m, Jimmy Vicaut ayant échoué un peu plus tôt samedi en demi-finale (7e en 10.16).
Autre sensation de la soirée, le Jamaïcain Tajay Gayle s'est imposé à la longueur en explosant son record personnel, passé de 8,32 à 8,69 m. Il a devancé l'Américain Jeff Henderson (8,39 m) et le favori cubain Juan Miguel Echevarria (8,34 m).