Le navire humanitaire espagnol Open Arms se dirigeait mercredi soir vers Lampedusa avec 147 migrants à bord, après une décision judiciaire qui suspend un décret du ministre Matteo Salvini lui interdisant les eaux territoriales italiennes.
L'ONG Proactiva Open Arms a cependant assuré qu'elle n'envisageait pas d'accoster de force, comme l'avait fait le Sea-Watch3 fin juin.
Elle compte dans l'immédiat s'abriter du mauvais temps: l'Open Arms comme l'Ocean Viking, le navire de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) qui cherche également un port pour plus de 350 migrants, ont diffusé mercredi des vidéos montrant des creux allant jusqu'à 2,5 mètres qui secouent les bateaux et leurs passagers.
Malgré tout, M. Salvini a annoncé un recours "urgent" contre la décision, et a signé un nouveau décret, au motif que le comportement de l'Open Arms depuis le premier décret démontrait son "objectif politique de porter (les migrants) en Italie".
"Nous avons gagné le recours que nous avions présenté devant un tribunal administratif en Italie", a auparavant déclaré Oscar Camps, fondateur de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms, lors d'une conférence de presse à Madrid.
"La seule chose qui manque, c'est qu'on nous assigne un port", a-t-il déclaré.
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Après un total de trois opérations de secours au cours des 12 derniers jours et une série d'évacuations médicales, l'Open Arms compte désormais 147 migrants à bord, dont près d'une trentaine de mineurs.
Malte n'en a accepté qu'une partie - ceux secourues dans sa zone de compétence - et l'ONG a refusé le transfert par peur de la réaction de ceux qui devraient rester à bord.
Dans une interview mercredi matin à la radio espagnole Cadena Ser, M. Camps a mis en avant les risques de violences entre les migrants épuisés et stressés.
Selon lui, les 19 membres d'équipage de l'Open Arms ont de plus en plus de mal à gérer les tensions provoquées par la promiscuité, l'incertitude et l'état de "stress post-traumatique très élevé" des migrants.
- Droit maritime international -
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"Imaginez-vous qu'il y a deux lavabos et 180 m2 abrités. Il y a des disputes pour un coin d'ombre, pour un coin de soleil, des disputes pour la nourriture, des disputes pour la queue au lavabo", a-t-il raconté.
A Paris, la présidence de la République a assuré que la France était "active", "en lien avec la Commission européenne", pour trouver une solution pour les quelque 500 migrants des deux navires, tout en rappelant ses deux principes: débarquement dans "le port sûr le plus proche" puis répartition des migrants.
M. Salvini, qui réclame une rotation dans les ports de débarquement, avait signé un décret interdisant, au nom de la défense de l'ordre public, les eaux italiennes à l'Open Arms début août, juste après le sauvetage des premiers migrants.
En cas d'infraction, l'ONG risquait une amende allant jusqu'à un million d'euros et la confiscation du navire. Jusqu'à la décision judiciaire de vendredi.
"C'est un succès: le droit maritime international prévaut", s'est réjoui M. Camps après la suspension de ce décret. Selon la presse italienne, le tribunal a reconnu "un excès de pouvoir" et une violation du droit international en matière de secours en mer.
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"Mais quel étrange pays", a raillé M. Salvini lors d'un meeting sur une plage de Ligurie (nord-ouest). "Le tribunal administratif du Latium (région de Rome) veut donner l'autorisation de débarquer en Italie à un navire étranger chargé d'immigrés étrangers".
Après avoir sabordé son alliance avec le M5S en réclamant des élections dès octobre, M. Salvini, l'homme fort du gouvernement crédité de 36 à 38% d'intentions de vote, fait face à une tentative de front contre lui entre le M5S et le Parti démocrate (centre gauche).
Dans ce contexte, la question migratoire est explosive: mercredi matin, le PD a demandé au chef du gouvernement Giuseppe Conte de faire débarquer au plus vite les migrants de l'Open Arms.
M. Salvini a immédiatement dénoncé "une tentative pour revenir en arrière, recommencer à ouvrir les ports italiens et faire de l'Italie le camp de réfugiés de l'Europe". Selon des médias italiens, M. Conte a écrit à M. Salvini et à la ministre de la Défense Elisabetta Trenta pour leur demander d'autoriser les mineurs présents à bord à débarquer.
Mme Trenta a dépêché deux navires pour escorter l'Open Arms, qui pourrait donc évacuer les 32 mineurs à bord après 13 jours en mer.