Soirée électrique à l'Assemblée nationale: les députés d'opposition ont lancé la charge mardi soir sur la réduction prévue du nombre de parlementaires et l'introduction d'une dose de proportionnelle, mesures emblématiques de la réforme des institutions qui doivent être examinées à la rentrée.
Le sixième jour d'examen de la réforme constitutionnelle a été marqué par des "vociférations", rappels au règlement, suspensions de séance... sur ces mesures prévues dans les deux autres volets de la réforme (lois ordinaire et organique).
En début de soirée, des élus LR et PS ont notamment cherché à inscrire dans la Constitution le mode de scrutin actuel ou prévoir un minimum de représentation démographique des députés.
Le rapporteur général Richard Ferrand (LREM) a observé que leurs amendements auraient pour conséquence "la quasi impossibilité" d'examiner les autres volets de la réforme prévoyant la réduction de 30% du nombre de parlementaires ou l'introduction de 15% de proportionnelle aux législatives.
"Comme nous avons bel et bien l'intention de faire en sorte que les deux autres projets de loi puissent être examinés et adoptés", ce sera "tout simplement un avis défavorable", a-t-il affirmé, suscitant l'agacement de l'opposition.
A l'unisson d'élus de la majorité dans la soirée, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a ensuite rappelé notamment que la baisse du nombre de parlementaires, engagement de campagne d'Emmanuel Macron, était "également une proposition du candidat Fillon, également de François Hollande".
Alors que les députés LR rejettent en bloc les trois textes, Marc Le Fur a dénoncé une "affaire extrêmement machiavélique" car "l'essentiel de la réforme" n'est "pas inséré dans le texte principal" constitutionnel.
Dans une atmosphère sous tension croissante, des élus de divers bords ont demandé à plusieurs reprises "où était l'avantage de réduire le nombre de parlementaires?" disant "attendre autre chose que de simplement dire que c'était un engagement de campagne".
"Ce qu'on entend aujourd'hui, c'est le grand vide", a affirmé l'Insoumis François Ruffin, pour qui la réduction est un "caprice du président" et la majorité ses "valets".
"On est au coeur de votre mauvais projet" a aussi affirmé le communiste Sébastien Jumel, dénonçant la "sale besogne" confiée à Nicole Belloubet, tandis que le LR Aurélien Pradié a évoqué une "volonté de purification du Parlement", et le socialiste Boris Vallaud un futur Parlement "docile".
- "Guerre des tranchées" -
Des amendements, notamment Insoumis, communistes ou socialistes ont ensuite plaidé en vain pour un socle ou un nombre minimal de députés.
M. Ferrand s'est dit surpris de l'"emphase" de l'opposition alors que "les uns et les autres vous défendiez des candidats qui voulaient réduire le nombre de parlementaires", y voyant de la "tartufferie", suscitant là encore de vives protestations.
Alors que la tension continuait à monter dans un hémicycle où étaient présents quelque 200 députés, y compris avec le président de l'Assemblée François de Rugy (LREM) au "perchoir", Mme Belloubet, qui a récusé sur le fond tout antiparlementarisme, a ensuite appelé les élus à participer à "un nouveau jeu: on s'écouterait d'abord, et on vociférerait après".
"Nous ne sommes pas en train de jouer", lui a répondu le socialiste David Habib, tandis que Sébastien Chenu (RN, ex-FN) a dénoncé du "mépris".
"Fier" d'être dans la majorité et affirmant que "moins nombreux, nous serons aussi plus puissants", Sacha Houlié (LRE) a accusé l'opposition de faire "de l'obstruction pour des petites prébendes", ravivant les protestations.
Marc Fesneau (MoDem) n'a pas calmé la donne en affirmant que la crise démocratique était à mettre au compte des gouvernements précédents, lançant aux PS et LR: "la montée des populismes, c'est pas à nous que vous le devez!".
Après une suspension de séance et plusieurs rappels au règlement, les débats ont repris un peu plus calmement.
Les élus LR ont poursuivi avec notamment des amendements anti-proportionnelle, Pierre-Henri Dumont expliquant qu'il s'agissait de "refuser l'impôt Bayrou" après un "deal" de campagne entre le président du MoDem et Emmanuel Macron, le président du groupe Christian Jacob disant le refus d'être "les notaires" de cet accord.
"Dans l'hémicycle, c'est la guerre des tranchées" a glissé à l'AFP un élu de la majorité.