Vladimir Poutine, renforcé face aux Occidentaux par sa réélection, a reçu mardi les félicitations de Donald Trump, qui a préféré éviter les sujets délicats dont l'empoisonnement d'un ex-espion, au profit de la possibilité d'une rencontre prochaine.
Après des appels ou messages d'Emmanuel Macron et Angela Merkel nuancés de critiques, le président des États-Unis n'a parlé avec son homologue russe ni de l'ingérence de Moscou dans le processus électoral américain, ni, a précisé le Kremlin à l'agence Interfax, de l'empoisonnement le 4 mars sur le sol britannique de l'ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, que Londres estime perpétré par "la Russie de Poutine".
La Maison Blanche a confirmé ce compte-rendu: "Ils se sont concentrés sur les sujets d'intérêts communs", a dit la porte-parole Sarah Sanders. La question des irrégularités dans le scrutin russe, dénoncées par l'opposition et des ONG, n'était pas non plus au menu.
A la place, les deux présidents ont évoqué l'organisation d'une rencontre pour tenter de désamorcer des tensions sans précédent depuis la Guerre froide.
En pleine affaire de l'empoisonnement de Sergueï Skripal qui a ravivé le climat de confrontation Est-Ouest de ces dernières années, les Occidentaux avaient semblé traîner les pieds à congratuler le président russe, réélu dimanche avec 76,7% pour un quatrième mandat.
"Je l'ai félicité pour sa victoire électorale", a raconté M. Trump depuis le Bureau ovale. "Nous allons probablement nous rencontrer dans pas trop longtemps", a-t-il ajouté, évoquant, parmi les sujets de discussions possibles, la course aux armements, l'Ukraine, la Syrie ou encore la Corée du Nord.
Les sujets ne manquent pas entre les deux pays, dont les relations déjà exécrables sont empoisonnées ces derniers mois par les accusations d'ingérence russe dans l'élection américaine de 2016, aboutissant à l'inculpation de Russes par la justice américaine suivie, la semaine dernière, de sanctions contre Moscou.
La dernière rencontre entre les deux dirigeants a eu lieu en novembre, au Vietnam. Donald Trump avait longuement mis en avant les dénégations de son homologue sur ce sujet, laissant entendre qu'il le pensait sincère.
- Trump critiqué à Washington -
Mais désormais plébiscité dans les urnes, Vladimir Poutine s'impose plus que jamais comme étant l'homme fort d'une Russie dont il incarne, pour une grande partie de la population, le retour sur la scène internationale. Il est assuré de rester au pouvoir jusqu'en 2024.
Signe du climat tendu actuel avec l'Ouest, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker s'est retrouvé mardi sous le feu de critiques britanniques pour son message de félicitations dans lequel il n'a pas évoqué l'affaire Skripal.
A Washington aussi, le sang de plusieurs élus de l'opposition démocrate et du parti majoritaire n'a fait qu'un tour à l'annonce des félicitations du milliardaire.
"Un président américain ne peut diriger le monde libre et féliciter les dictateurs qui remportent des élections bidons", a tonné le sénateur John McCain, dans un communiqué au vitriol.
Vladimir Poutine a en revanche été félicité sans réserve par ses alliés comme la Chine, l'Inde, le Venezuela ou la Syrie. Mardi, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un s'est joint à ces messages, lui souhaitant de réussir dans son "travail en vue de bâtir une Russie puissante".
Selon le Kremlin, la discussion avec Donald Trump a été "constructive" et s'est concentrée sur "la résolution des problèmes qui se sont accumulés". Parmi les points évoqués: "l'importance d'une coordination des efforts en faveur d'une limitation de la course aux armements a été soulignée", selon le communiqué russe.
Lors de son principal discours de campagne début mars, Vladimir Poutine avait longuement vanté les nouvelles capacités de l'armée russe, présentant notamment ses nouveaux missiles nucléaires "invincibles" développés face aux projets de boucliers antimissiles américains en Europe de l'Est et Asie.
Recevant ses adversaires lors de la présidentielle lundi, M. Poutine avait déjà assuré ne vouloir permettre "aucune course aux armements", précisant que la Russie baisserait ses dépenses militaires en 2018 et 2019, sans que cela n'affecte ses "capacités défensives".
Il s'était dit prêt au "dialogue" avec tous les pays, ajoutant. "Bien sûr, tout ne dépend pas de nous. C'est comme dans l'amour, il faut que les deux parties y aient un intérêt, sinon il n'y aura pas d'amour".