Le patron de l'Organisation mondiale de la santé a annoncé avoir annulé dimanche la nomination du président du Zimbabwe, Robert Mugabe, comme ambassadeur de bonne volonté de l'OMS, tentant de mettre fin à la polémique.
"Au cours des derniers jours, j'ai réfléchi à la nomination de son excellence le président Robert Mugabe comme ambassadeur de bonne volonté de l'OMS (...) en Afrique. En conséquence, j'ai décidé d'annuler cette nomination", a écrit dans un communiqué le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, ancien ministre éthiopien des Affaires étrangères.
Le choix du président Mugabe annoncé cette semaine par le directeur général de l'OMS avait provoqué une levée de boucliers d'ONG dénonçant l'effondrement du système de santé zimbabwéen sous le régime Mugabe, mais aussi de pays comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada.
M. Tedros, qui a pris la direction de l'agence en juillet et est le premier Africain a occuper ce poste, a ajouté dans son communiqué avoir "écouté attentivement" les critiques et parlé au gouvernement zimbabwéen.
"Nous avons conclu que cette décision servait au mieux les intérêts de l'Organisation mondiale de la santé", a-t-il expliqué.
Au Zimbabwe, le ministre de l'Education supérieure, Jonathan Moyo, a réagi en disant que l'OMS risquait "de perdre tout son respect et sa bonne volonté" dans un tweet transmis avant la décision de dimanche.
M. Tedros avait annoncé en Uruguay la nomination du président Mugabe comme ambassadeur de bonne volonté de l'OMS en félicitant le Zimbabwe, "un pays qui place la couverture universelle de santé et la promotion de la santé au centre de sa politique consistant à assurer la santé à tous".
ONG, experts et militants ont cependant dénoncé le choix de l'OMS, critiquant l'effondrement du système de santé du Zimbabwe pendant les 37 années au pouvoir de M. Mugabe, un régime autoritaire et répressif. La plupart des hôpitaux manquent de médicaments et d'équipements, les infirmières et les médecins sont régulièrement laissés sans salaires.
ci-dessus
- Multiples pressions -
Le patron de l'OMS a subi de multiples pressions pour reconsidérer le choix de M. Mugabe, notamment venant des personnes les plus compétentes en matière de santé publique dans le monde.
Le directeur du Global Health Institute de l'Université américaine de Harvard, Ashish K. Jha, a souligné que M. Tedros avait pour mission de restaurer la crédibilité de l'OMS et que l'affaire Mugabe n'allait pas dans le bon sens.
"L'OMS a subi une crise existentielle avec sa manière désastreuse de réagir à la crise de la maladie d'Ebola (en Afrique de l'Ouest). L'élection du Dr Tedros est une chance de remettre les pendules à l'heure", a-t-il écrit dans un courriel à l'AFP avant l'annonce de dimanche.
"La nomination de Mugabe, venant à la fin des cent premier jours de (M. Tedros à la tête de l'OMS), a été une erreur," a-t-il ajouté. "L'annuler serait vraiment un signal fort indiquant que la direction écoute et est désireuse de répondre aux opinions du public mondial", a-t-il ajouté.
L'ancienne ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, a lancé dans un tweet : "Tedros va sûrement annuler la nomination terrible de Mugabe comme ambassadeur de bonne volonté, mais le mal est fait".
"L'unique personne pour laquelle Mugabe, 93 ans, s'est soucié de la santé pendant ses 37 ans de règne est lui-même", a-t-elle écrit.
De nombreux critiques ont insisté sur le fait que le président Mugabe, dont la santé est fragile, se rendait lui-même à l'étranger pour y recevoir des soins médicaux.
Richard Horton, qui dirige le grand journal médical britannique The Lancet, a lancé : "DG de l'OMS veut dire directeur général de l'OMS, et non pas dictateur général. Tedros, mon ami, annulez votre décision, consultez vos collègues et repensez" à votre décision.