Pour les cadres et militants de La France insoumise, les expériences latino-américaines de gouvernements de gauche sont "une source d'inspiration", tant dans leurs réussites que dans leurs ratés, et toute "posture binaire" est condamnable, en particulier sur le Venezuela.
"Ce n'est pas parce qu'on n'est pas contre qu'on est pour", prévient Adélaïde Panaget, militante à Nîmes.
Aux journées d'été de La France insoumise à Marseille, elle résume ainsi l'avis général: pas de manichéisme, le président vénézuélien Nicolas Maduro n'est pas, selon eux, un dictateur écrasant son peuple mais un président progressiste faisant face à la conjonction d'une opposition radicalisée, d'une crise économique et de l'ingérence nord-américaine.
Nicolas Maduro est confronté depuis débute avril à une violente vague de contestation qui a fait au moins 125 morts et des milliers d'arrestations.
"Il faut restituer la complexité des enjeux: ce n'est jamais blanc ou noir, les questions géopolitiques", ajoute Laurence Pache, secrétaire nationale du Parti de gauche, qui ne cache pas son agacement devant l'appétence des "médias" à interroger LFI sur le Venezuela.
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Le leader du jeune mouvement politique, Jean-Luc Mélenchon, a pour la première fois depuis plusieurs semaines pris la parole sur ce sujet en accueillant jeudi Rafael Correa, ancien président équatorien à Marseille.
"Nous ne perdrons pas notre temps à jeter des pierres à nos amis dont nous savons qu'ils ne sont pas parfaits puisque nous mêmes ne le sommes pas", a-t-il tranché.
Préférant le terme "source d'inspiration" à celui de "modèle" quand on parle des expériences "progressistes" en Amérique latine, Raquel Guarrido, porte-parole du mouvement, prend le temps de retracer les faits.
Elle rappelle qu'à la fin des années 90, "un certain nombre de mouvements progressistes ont accédé au pouvoir à travers le truchement d'assemblées constituantes: on s'y intéresse parce que c'est une source d'inspiration", explique cette avocate très impliquée dans le projet d'instauration d'une VIe République grâce, précisément, à la convocation d'une Assemblée constituante, proposition portée par M. Mélenchon à la présidentielle.
- 'Injonctions de critiquer' -
Mais, poursuit-elle, "cette affinité spécifique est souvent utilisée par nos adversaires pour nous attaquer: ils disent que ce sont des expériences qui n'étaient pas démocratiques". Elle observe que les mêmes "ne disent rien quand Merkel se représente pour la 4e fois et ne critiquent pas l'Arabie saoudite".
Donc, conclut-elle, "nous sommes très méfiants et avons pris l'habitude de ne pas répondre aux injonctions de critiquer".
De plus, insiste Manon Le Bretton, ancienne candidate aux législatives dans l'Aude, "La France insoumise n'a pas de position officielle là-dessus". Pour elle, l'enjeu des journées d'été est justement de permettre aux militants d'assister à des conférences pour se faire leur opinion.
C'est le cas. Outre la conférence de Rafael Correa arguant que son action a fait chuter la pauvreté, réduit les inégalités et assuré le développement économique et social de l’Équateur, une conférence sur les enseignements à tirer des expériences de la gauche au pouvoir en Amérique latine s'est tenue samedi.
La politologue, engagée à l'extrême gauche, Janette Habel y expose que, contrairement à Hugo Chavez, Nicolas Maduro n'a pas suffisamment cherché à s'appuyer sur un pouvoir populaire. "On ne peut pas avoir un pouvoir qui utilise uniquement la répression", reconnaît-elle alors que des dizaines de manifestants sont morts cet été.
"La faiblesse de l’État et du gouvernement actuel, c'est justement que la mobilisation populaire n'accompagne pas la défense des conquêtes sociales antérieures", résume-t-elle.
Pour Claudio Calfuqir, spécialiste du Venezuela au Parti de gauche et observateur des élections constituantes de juillet, ces dernières ont été convoquées "dans l'esprit d'un projet de vie en commun" et avec un objectif de rétablissement de la paix.
Affirmation contestée dans la salle où il raconte son expérience. "Pourquoi la Constituante s'est-elle arrogé les pouvoirs de l'Assemblée nationale alors que nous, on aurait fait une Constituante à côté de l'Assemblée nationale?", interroge un militant. "En quoi est-ce une manière de promouvoir la paix ?", questionne une autre.
"On refuse la posture binaire, la moindre des choses avant d'avoir une position, c'est d'avoir toutes les informations, non ? ", résume Maud Alissa, ancienne candidate en Charente-Maritime.