Une fascinante exposition proposée par le musée du Quai Branly, «Taïnos et Kalinagos des Antilles», retrace l'histoire de ces peuples amérindiens qui vivaient dans la mer des Caraïbes avant l'arrivée de Christophe Colomb.
Jusqu'au 13 octobre, le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, à Paris, présente dans son exposition «Taïnos et Kalinagos des Antilles», l'histoire de ces deux sociétés amérindiennes qui peuplaient la Caraïbe avant l'arrivée de Christophe Colomb en 1492, et qui furent presque totalement décimées par la colonisation, les guerres et les maladies.
«Taïnos et Kalinagos des Antilles» fait écho à l'exposition «L'art des sculpteurs taïnos», qui s'est tenue en 1994, au Petit Palais, à l'initiative de Jacques Chirac, alors maire de Paris, considérée comme un prélude à la naissance du musée du Quai Branly en 2006.
«Cette manifestation consacrée à un art méconnu a connu un succès retentissant et a amorcé le changement de regard du grand public sur les arts non-occidentaux», rappelle le musée.
Soixante-dix œuvres dont une cinquantaine issues des collections du musée sont exposées à l'atelier Martine Aublet, au cœur des Collections du musée du Quai Branly.
L'exposition retrace dans une première partie, l'histoire de ces peuples autochtones de la Caraïbe, et met en lumière dans un deuxième temps, les nombreux héritages qu'ont laissés ces premiers Antillais dans les sociétés créoles contemporaines.
taînos et kalinagos : les premiers antillais
Indissociables, les Taïnos et les Kalinagos ont développé des sociétés complexes et diversifiées, s'étendant du continent sud-américain aux Bahamas. Celles-ci étaient composées de grands marins, de pêcheurs habiles mais aussi de cultivateurs et d'horticulteurs ingénieux.
La culture taïno s'est épanouie dans les Grandes Antilles et les Bahamas, avec comme épicentre les îles d'Hispaniola (Haïti et République dominicaine) et de Puerto Rico (actuel Porto Rico), entre le XIIe et le XIVe siècle. Les chefferies taïnos étaient organisées de manière hiérarchique. Le pouvoir centralisé et la forte démographie a permis de réaliser de grands travaux d'aménagement des territoires taïnos. Chaque village possédait notamment un terrain destiné au jeu de balle ou «batey», qui avait une fonction sacrée. Les grands centres cérémoniels érigés à Puerto Rico et Hispaniola constituaient le point de ralliement pour des rites religieux, des échanges de biens et des alliances politiques.
Quant aux Kalinagos, ceux-ci vivaient dans les Petites Antilles, de Trinidad jusqu'à la Guadeloupe. Originaires du nord du Venezuela, ils ont émigré à partir du IXe siècle dans les Antilles. Connus pour leur conduite belliqueuse et leur pratique de l'anthropophagie, ils se sont regroupés ponctuellement au sein de coalitions puissantes afin de mener des raids jusqu'à Puerto Rico ou sur le continent pour s'emparer de biens matériels, kidnapper des femmes et capturer des prisonniers destinés à certains rites cannibales.
Ces sociétés antillaises ont pratiqué un art sur pierre, bois, os ou coquillage où les «zemi» occupent une place centrale. Ces êtres surnaturels ou divinités ont été représentés de manière très diverse : têtes sculptées en pierre, statues de bois, pierre à trois pointes...
l'héritage amérindien aujourd'hui revendiqué
La dernière partie de l'exposition met en avant les héritages taïno et kalinago dans les sociétés créoles contemporaines, pour lesquelles cette ascendance est à la source de revendications culturelles et politiques. Avec l'arrivée de Christophe Colomb en 1492 sur une île des Bahamas, ces deux peuples autochtones de la mer des Caraïbes se sont retrouvés en première ligne, et ont été par la suite, les premiers à subir la conquête européenne.
Presque totalement décimés par la colonisation européenne, la mise en esclavage, les guerres et les maladies, les Taïnos et Kalinagos continuent d'être présents aujourd'hui dans quelques îles des Caraïbes comme les Kalinagos à la Dominique, les Garifunas à Saint-Vincent, ou des descendants taïnos à Porto Rico.
A noter qu'en septembre 2023 a été élue présidente de la Dominique, Sylvanie Burton, une femme kalinago. Elle est la première cheffe d'Etat autochtone de la Caraïbe.
Cette présence amérindienne est également visible dans l'art contemporain haïtien où sont représentés les premiers contacts amicaux entre Européens et Amérindiens, la conquête, les guerres et les résistances des caciques taïnos, devenus des figures emblématiques de la lutte contre l'oppression et la colonisation.