Dans son livre «Le Couteau», qui paraît jeudi en France aux éditions Gallimard, Salman Rushdie raconte le jour où il a failli perdre la vie, poignardé à plusieurs reprises. Perte de la vue d’un oeil, cauchemar prémonitoire, découvrez le récit d’un auteur attaqué pour sa plume, devenu un symbole de la lutte contre l'obscurantisme.
La plume est plus forte que l’épée. Avec son livre «Le Couteau», l’écrivain Salman Rushdie souhaite reprendre «le contrôle du récit», de son récit. Dans ses mémoires, qui sortent ce mardi aux Etats-Unis et jeudi en France, aux éditions Gallimard, il raconte l’attaque qui a failli le tuer en 2022, dernier épisode d’une vie passée sous la menace depuis ses «Versets sataniques», en 1988.
la Perte de l'usage d’un oeil
Mais, concrètement, que s’est-il passé ce jour d’été 2022 ? Lors d’une conférence littéraire au bord des Grands lacs américains, au nord de New York, un homme s'est jeté sur Salman Rushdie, couteau à la main. L’écrivain s'est alors fait poignarder à plusieurs reprises au visage, au cou et à l’abdomen. Lors de l’attaque, Salman Rushdie, grièvement blessé, a notamment perdu l'usage d’un œil.
«Le livre, en soi, parle d'un couteau, mais lui-même est aussi un peu un couteau. Je n'ai ni armes ni couteaux, c'est donc l'outil que j'utilise. Et j'ai pensé que je l'utiliserais pour me battre», a expliqué l'Américano-Britannique, né en Inde, à la chaîne américaine ABC. «C'est devenu ma façon de contrôler le récit, si l'on peut dire», a-t-il ajouté.
Mais alors, pourquoi a-t-il été la cible d’une telle attaque ? Au moment des faits, Salman Rushdie a été poignardé par un jeune Américain d’origine libanaise, sympathisant de la République islamique d’Iran. Un acte considéré comme un rappel «brutal» de la fatwa émise par Téhéran en 1989, comme l’avait raconté le romancier en octobre dernier, lors de la foire internationale du livre de Francfort, en Allemagne.
la Colère d’une partie du monde musulman
Avec la publication des «Versets sataniques» en 1988, l’écrivain s’était attiré les foudres d’une partie du monde musulman. Une fatwa avait notamment été émise à son encontre par le fondateur de la République islamique, l'ayatollah Ruhollah Khomeini, qui réclamait l’assassinat de l’écrivain. Face à cela, Salman Rushdie a dû vivre dans la clandestinité et sous protection policière pendant un long moment.
La fatwa condamnant le romancier à mort n'a jamais été levée. Mais il n’a pas été le seul à être la cible de menaces après la publication de son ouvrage. Alors que plusieurs traducteurs du livre ont été attaqués, l’un d’entre eux, le Japonais Hitoshi Igarashi, est mort après avoir été victime de plusieurs coups de couteau en 1991.
Un cauchemar prémonitoire
Avec le temps, Salman Rushdie pensait que la menace avait fini par s’estomper, comme il l’avait raconté à ABC. Mais, dans l’émission «60 Minutes» de CBS, l’écrivain américano-britannique de 76 ans avait avoué avoir fait un cauchemar prémonitoire quelques jours avant la conférence littéraire dont on connaît l’issue. Dans son rêve, l’auteur s’est vu être attaqué dans un amphithéâtre romain. Après cette nuit agitée, il avait envisagé ne pas se rendre au festival, avant de se raviser.
Mais quelques jours plus tard, ce cauchemar est devenu réalité. Un moment durant lequel il a pensé être en train de mourir comme, il le raconte dans un extrait de ses mémoires, cité par le Guardian. Ce n'était pas «dramatique ou particulièrement horrible», juste «factuel», écrit-il. Grièvement blessé et loin de ses êtres chers, l’écrivain s’est souvenu avoir ressenti une «profonde solitude». Dans un premier temps, l’écrivain a souhaité ne pas écrire sur cet événement dramatique. Il ne voulait pas être catégorisé seulement par cette oeuvre comme il a pu l’être avec les «Versets sataniques».
«Mais il est devenu évident que je ne pouvais pas écrire autre chose. Il fallait que j'écrive là-dessus d'abord. Et puis c'est devenu un livre que j'avais vraiment très envie d'écrire», a-t-il raconté. Et ne soyez pas étonnés de ne pas voir le nom de l’assaillant mentionné dans son livre, il y a une raison bien précise. «Lui et moi avons eu 27 secondes ensemble (la durée de l'attaque). C'est tout. Pas besoin de lui accorder davantage de mon temps», a-t-il affirmé à CBS.