Acclamé par la critique et le public, «Dune : Deuxième Partie» voit Timothée Chalamet incarner Paul Atréides, héritier déchu en quête de vengeance allié avec les Fremen, un peuple autochtone d’une planète désertique qui voit en lui le Messie. Mais il est loin d’être le héros que certains imaginent.
Une guerre sainte. Une partie non-négligeable des spectateurs ayant regardé «Dune : Deuxième Partie» considère Paul Atréides comme le héros magnifique de cette histoire adaptée des romans de Frank Herbert. Le personnage incarné par Timothée Chalamet y démontre un charisme affolant, lui qui est passé du statut d’héritier en fuite - après le meurtre de son père, Leo Atréides, des mains de la Maison Harkonnen -, exilé auprès des Fremen, à celui d’incarnation de Lisan al Gaib, le prophète qui délivrera les peuples de l’emprise de l’Imperium à travers la galaxie. Hors, il n’en est rien. Et Paul lui-même en est conscient.
Dans les deux premiers livres, la volonté de Frank Herbert était de montrer les méfaits de la colonisation, du fanatisme religieux, de la tyrannie, et surtout, un avertissement contre le pouvoir de séduction de leaders charismatiques et le mythe du «sauveur blanc». La déception de l’auteur fut immense quand il comprit que certains lecteurs percevaient Paul comme le héros de son récit. Une interprétation que Denis Villeneuve a tenté de corriger dans ses films.
Un avertissement
«Quand Herbert a rédigé ‘Dune’, et que les livres sont sortis, je pense qu’il a été déçu. Il y avait cette idée selon laquelle Paul était perçu comme un héros qu’il n’aimait pas», confiait le réalisateur au site Inverse début mars. Dans ses deux adaptations, Denis Villeneuve montre comment les Fremen, acculés par des siècles d’oppression infligée par le régime des Harkonnen, sont devenus vulnérables à ce que Paul décrit lui-même comme «la propagande de Bene Gesserit» – cette communauté de femmes à laquelle sa mère appartient, qui influence les batailles politiques et les imbroglios de l'Imperium dans un but mystérieux – qui a monté de toute pièce cette histoire de Messie qui les mènera «au paradis». Et que celui-ci sera un homme blanc.
«Pour Herbert, le livre était un avertissement à propos des leaders charismatiques, et il voulait que Paul soit perçu comme un personnage sombre», précise Denis Villeneuve. «Il ne voulait pas raconter l’histoire d’un sauveur blanc. Il voulait l’exact contraire», ajoute-t-il. Cette confusion chez les lecteurs poussera l’auteur des romans à écrire une troisième livre, «Dune : Messiah», dans lequel Paul maudit son ascension au sommet du pouvoir, et se compare ouvertement à Adolf Hitler et Genhis Khan. Le réalisateur, qui devrait réaliser un troisième et dernier volet dans un avenir plus ou moins proche, révèle avoir introduit des éléments permettant de préparer cette évolution du personnage à l’écran.
Une vraie tragédie
«Je me suis assuré que dans l’arc narratif de Paul, et dans son histoire, les éléments étaient bien présents. Je les ai seulement manipulés différemment. À la fin du deuxième film, vous comprenez que, pour protéger ceux qu’il aime, Paul accepte de devenir ce qu’il essayait de combattre», détaille le metteur en scène. Si Paul Atréides lutte un temps contre ce destin prévu pour lui par les stratégies de manipulation exercées depuis des siècles par le Bene Gesserit, affligé par ses visions d’un futur apocalyptique où ses armées sèment la mort à travers la galaxie, il finit par s’y enfermer lui-même, de son plein gré. Cette issue lui semblant être la plus souhaitable de toutes celles qu'il perçoit.
Une tragédie, certes. Mais Denis Villeneuve insiste sur le fait que, en définitive, Paul a lui-même choisi d’user de la prophétie pour servir ses propres intérêts. «C’est tragique, parce qu’il va tout perdre et trahir ceux qu’il aime», explique-t-il. Le dernier volet de la trilogie promet de voir Paul poursuivre son évolution vers une face beaucoup plus sombre de sa personnalité. Et c’est le personnage de Chani, incarné à l’écran par Zendaya, qui permet à Denis Villeneuve de témoigner de ce bouleversement.
Dans les livres, Chani est une simple spectatrice des événements qui se jouent devant ses yeux. Dans les films, elle est celle qui permet de mettre à jour la tragédie en cours en exprimant son scepticisme. «Cette prophétie est leur moyen de nous maintenir en esclavage», lance-t-elle à Paul au moment où il se convainc d’accepter son rôle de Messie. «Le film est structuré autour de l’histoire d’amour entre Paul et Chani. L’idée était de s’assurer que l’histoire de Paul se déroule à travers cette relation, et que le point de bascule de Paul soit perçu du point de vue de Chani. Et c’est un changement capital. J’ai modifié la personnalité de Chani afin de créer une perspective avec laquelle, je l’espère, Frank Herbert serait d’accord, dans le but d’atteindre son objectif», ajoute Denis Villeneuve.