Dans «Hors-saison» de Stéphane Brizé, qui sort au cinéma ce mercredi, Guillaume Canet incarne un acteur en plein burn-out, qui retrouve un amour passé lors d'un séjour en thalasso. Une œuvre drôle et émouvante, sur l'amour et les choses de la vie qui parfois nous submergent et nous fracassent.
Après son très convaincant triptyque sur le monde du travail («La Loi du marché», «En Guerre» et «Un autre monde») qui dénonce les excès du capitalisme, Stéphane Brizé se tourne avec «Hors-saison» - au cinéma ce mercredi - vers un autre registre, plus intimiste et introspectif, mais toujours avec le même amour pour des êtres en proie aux désillusions et aux doutes.
Pour prendre ce chemin de traverse, le réalisateur a délaissé son complice, l’acteur Vincent Lindon, préférant cette fois-ci Guillaume Canet et «son infinie mélancolie». C’est donc dans la baie de Quiberon, balayée le plus souvent par la pluie et le vent, que l’on retrouve le quinqua en pleine crise existentielle. Mathieu, son personnage, vit à Paris, est marié à une célèbre présentatrice télé, et connaît une belle carrière en tant qu’acteur. Mais paralysé par la peur, il a lâché du jour au lendemain son équipe avec laquelle il devait faire ses premiers pas au théâtre, et s’est réfugié dans une thalasso aseptisée pour y suivre une «cure détente»... au lieu d’opter pour le suicide assisté en Suisse.
Alba Rohrwacher, une partenaire sensible et solaire
A sa surprise générale, il est contacté par Alice (Alba Rohrwacher), une jeune femme qu’il a éperdument aimée mais qu’il a quittée quinze ans auparavant, la laissant dans une profonde détresse. Cette dernière réside sur cette côte bretonne, est pianiste et a eu une fille avec un médecin gentil et attentionné qui partage toujours sa vie. Ces retrouvailles aussi inattendues qu’intenses vont bouleverser les deux protagonistes, et les pousseront à évoquer le passé et certaines décisions - plus ou moins assumées - qu’ils ont choisi de prendre.
Ce long-métrage poétique, émouvant et où le temps semble comme suspendu, fait d’abord preuve de drôlerie. Avec ses claquettes en plastique et son peignoir blanc de curiste, Guillaume Canet paraît tout droit sorti de l’univers de Jacques Tati. Avec pour fond sonore une musique d’ascenseur et un cadre vieillissant qui flanque le cafard. Confiné et le sourire en berne, il tente de dompter une machine à café coriace, regarde, depuis son lit, une porte s’ouvrir et se refermer inlassablement, fait des selfies engoncé dans une machine pourtant censée le relaxer, et répond à des questions saugrenues d’un coach mystique qui ne le reconnaît pas.
Des premières scènes pleines d’autodérision pour Guillaume Canet, qui s’amuse de son propre statut de célébrité et nous transportent peu à peu vers un mélodrame porté par la sublime musique de Vincent Delerm, et des dialogues ciselés co-écrits par la journaliste Marie Drucker, ponctués de longs silences empreints de pudeur. La sensible et solaire Alba Rohrwacher participe grandement à la réussite de ce film grâce à son jeu magnétique. Elle apporte toute la fragilité nécessaire à Alice qui a mis, elle aussi, ses rêves de côté au profit d’une vie routinière et quelque peu ennuyeuse.
Derrière cette histoire d’amour avortée, Stéphane Brizé traite avec subtilité de la célébrité, du contraste entre Paris et la province, de l’importance toute relative des réseaux sociaux, et du courage qui vient parfois à manquer dans notre quête du bonheur.