Sorti en France à la fin de l’année 1994, le film «Entretien avec un vampire» voyait deux sex-symbols de l'époque, Tom Cruise et Brad Pitt, partager l’affiche. Le succès a été au rendez-vous, et ce malgré de vives tensions en coulisses.
Un projet de longue haleine. À la fin du mois de décembre 1994, le public français découvrait au cinéma «Entretien avec un vampire», l’adaptation cinématographique du roman éponyme d’Anne Rice (1976) avec Tom Cruise et Brad Pitt (mais aussi Antonio Banderas, Christian Slater et Kirsten Dunst) dans les deux rôles-titres. L’histoire est celle de Louis, un homme étrange qui décide de révéler sa véritable nature à un jeune journaliste dans les années 1990. Il se présente comme un vampire dont la transformation a eu lieu 200 ans plus tôt par l’intermédiaire d’un dénommé Lestat.
Le film, dont la réalisation avait été confiée à Neil Jordan (The Crying Game, Michael Collins, Greta), a rencontré un succès colossal au moment de sa sortie en salle, aussi bien public que critique, rapportant pas moins de 224 millions de dollars (soit plus de 206 millions d’euros) au box-office sur un budget de 60 millions. De quoi ravir toutes les personnes concernées ? Pas vraiment, tant la production de ce long métrage aura été longue et difficile. Voire hostile.
Les exigences d’Anne Rice
Le roman d’Anne Rice est arrivé en librairie en 1976, et les droits d’adaptation de son œuvre avaient déjà été vendus avant sa publication à Paramount. Dans un entretien avec Movieline, l’auteure était revenue sur une phase de développement qui aura duré près de deux décennies au cours de laquelle elle avait successivement envisagé de confier le rôle de Lestat à des acteurs comme Jeremy Irons, John Malkovich, ou encore Peter Weller. Elle expliquera avoir également caressé l’idée de confier les rôles principaux à deux femmes, Anjelica Huston et Cher.
«À cette époque, vous pouviez être propriétaire d’une plantation et diriger les opérations si vous étiez un homme, mais pas si vous étiez une femme. Donc ça aurait été une femme déguisée en homme, sans que cela ne change rien au reste du récit développé dans le roman», avait-elle précisé.
Anne Rice a tenté de lancer l’adaptation sur grand écran à plusieurs reprises, sans succès. Elle avait même désigné Ridley Scott et David Cronenberg comme ses premiers choix à la réalisation. Mais les deux ont refusé. C’est finalement Neil Jordan qui a été engagé au moment où, au début des années 1990, le projet d’un film commençait enfin à se concrétiser.
Tom Cruise, pris pour cible
Portée par le producteur David Geffen, l’adaptation n’a pas tardé à annoncer son casting. Une étape décisive pour le succès d’un film. Mais quand Tom Cruise s’est vu confier le rôle de Lestat, une vague de critique, menée par Anne Rice elle-même, et les fans du livre, s’est immédiatement abattue sur le comédien et la production.
Selon l’auteure, Lestat était un «être irrésistible», «très blond, très grand, très musclé, entier», et il était inconcevable pour elle que Tom Cruise soit en mesure de l’incarner.
À la limite, elle pouvait concevoir qu’il hérite du rôle de Louis. Mais Lestat ? Aucune chance. Anne Rice n’a pas hésité à partager ses opinions tranchées à ce sujet avec la presse people, qui s’est délectée de ses attaques incessantes envers l’acteur. Ce dernier confiera d’ailleurs avoir été profondément déstabilisée par ses propos.
«La première fois que j’ai entendu cela, ça m’a blessé, pour le dire aimablement. Son venin m’a fait mal. On ne commence pas un film avec une personne qui ne veut pas de vous dans le rôle. C’est très inhabituel», avait-il confié à ce sujet selon le site britannique The Independent. Pour le producteur David Geffen, l’attitude méprisante d’Anne Rice était à la fois malpolie, gênante, et absolument non-professionnelle.
Détail amusant, l’auteure a totalement changé d’avis après le visionnage du film, et n'a depuis cessé de complimenter Tom Cruise sur sa performance. David Geffen a précisé qu’elle avait même pris le temps d’appeler personnellement le comédien pour le féliciter. «Nous avons eu une conversation absolument fascinante», avait lancé celui qui, avec ce rôle de Lestat, a avoué avoir pris énormément de plaisir dans la peau d’un vilain aussi complexe et terrifiant.
Brad Pitt dépressif
Si Tom Cruise a adoré interpréter sa partition malgré les réticences d’Anne Rice, ce ne fut pas le cas de Brad Pitt, étoile montante d’Hollywood qui a détesté la quasi-totalité de son expérience liée à ce film. En septembre 2011, dans un entretien avec le site américain EW.com, il était revenu sur ce tournage de six mois durant lequel il s’est senti isolé, déprimé, et dont il est ressorti amer. En plus de tourner la nuit, Brad Pitt a notamment détesté toute la partie maquillage, qui consistait à porter des lentilles de contact douloureuses, et à se maintenir la tête en bas sur des périodes de 30 minutes consécutives afin de rendre apparentes les veines de son visage afin qu’elles soient tracées par les maquilleuses.
«Je vous promets, un jour, ça m’a détruit. Londres était tellement sombre. C’était une ville morte en pleine hiver», a-t-il expliqué. L’acteur était tellement au bout du rouleau qu’il a demandé au producteur David Geffen s’il était possible pour lui de rompre son contrat. Brad Pitt décidera toutefois de rester après avoir appris que cela lui coûterait 40 millions de dollars (près de 37 millions d’euros) s’il en décidait ainsi.
Le comédien n’a pas non plus caché sa frustration vis-à-vis du rôle de Louis, qu’il considérait comme un simple observateur avec «rien d’autre à faire que de regarder et s’asseoir». Il a fini par se résigner, et à tourner le film. On est toutefois en droit de se demander si son sentiment dépressif pendant le tournage ne lui a pas permis d’incarner Louis à la perfection, puisque le personna est lui-même rongé par le dégoût et l’amertume. Brad Pitt, encore aujourd’hui, affirme qu’«Entretien avec un vampire» a été un moment particulièrement désagréable dans sa carrière. Sans qu’il n’en tienne rigueur à qui que ce soit.