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«Je suis la petite Belge à qui on offre de superbes rôles» : les confidences de Cécile de France à l'affiche de «Bonnard, Pierre et Marthe»

L'actrice sur la Croisette, en mai dernier. [© Valery HACHE/AFP]

Depuis plus de vingt ans, elle irradie le cinéma français de sa présence solaire et naturelle. Rencontre avec l'actrice Cécile de France, à l'affiche ce mercredi du nouveau film de Martin Provost, «Bonnard, Pierre et Marthe».

Présenté l'an dernier au Festival de Cannes puis au Festival du film francophone d'Angoulême, «Bonnard, Pierre et Marthe» débarque enfin au cinéma ce mercredi 10 janvier. Dans le nouveau film de Martin Provost, Cécile de France incarne avec justesse l'épouse et la muse du peintre Pierre Bonnard (1867-1947). Une femme complexe et mystérieuse sans laquelle l'œuvre de l'artiste «du bonheur et des couleurs» ne serait pas ce qu'elle est. 

Un personnage singulier que la comédienne a adoré interpréter, comme elle l'a confié à CNEWS lors d'une entrevue à Paris, il y a quelques jours. L'éternelle Isabelle de «L'auberge espagnole», récemment vue dans «Second tour» d'Albert Dupontel», crève l'écran face au magistral Vincent Macaigne, dans cette histoire d'amour et de création qui aura duré près de cinquante ans. 

Selon le réalisateur Martin Provost, vous n’étiez pas certaine «de pouvoir ni de vouloir faire le film». Pourquoi ?

Je venais de terminer un tournage. Je me retrouvais avec seulement un mois et demi de pause entre les deux films. Ce n’est pas dans mes habitudes. J’ai besoin de me reposer, de me ressourcer, de profiter de ma vie de famille et d’avoir de nouveau envie. Mais je ne me voyais pas refuser une telle proposition. Le personnage de Marthe est beau, riche, complexe, passionnant. C’est un cadeau exceptionnel pour une actrice. Je ne pouvais pas non plus décliner l’offre de Martin Provost, l’homme qui a réalisé «Séraphine». J'étais totalement galvanisée. 

Comment vous êtes-vous glissée dans la peau de cette petite Berrichonne tombée follement amoureuse du peintre Pierre Bonnard, et qui rêvait de sortir de sa condition sociale, quitte à mentir ?

Je ne connaissais pas son histoire. Martin Provost m’a confiée une multitude de livres à son sujet pour me documenter. Il existe également beaucoup de témoignages et des photos de ses œuvres. Des phrases ont par ailleurs été très importantes pour moi pour imaginer ce personnage. L'écrivaine Annette Vaillant disait notamment qu’elle avait «les yeux acides d’une fixité végétale». Quant au journaliste et mécène Thadée Natanson, il expliquait qu'«elle avait d’un oiseau l’air effarouché, le goût de l’eau, de se baigner et la démarche sans poids qui vient des ailes». Tout cela était très inspirant.

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L'actrice donne la réplique au comédien Vincent Macaigne. (© Carole Bethuel)

J'ai par ailleurs pu compter sur l'artiste Edith Baudrand (qui a peint les toiles qui apparaissent dans le long-métrage, ndlr). Elle m’a appris la technique de Marthe, Solange de son nom d’artiste, quand elle est devenue elle aussi peintre. De reproduire les mouvements de ses doigts à travers un procédé simple, naïf et enfantin m’a permis d’accéder tout de suite à cette femme. Sa peinture est très intimiste et en accord avec la nature et ses chiens.

Et en quoi Marthe vous a-t-elle séduite ?

Martin Provost m’a demandée de regarder «My Fair Lady» avec Audrey Hepburn. Ce film de George Cukor relate l’histoire d’une femme issue d’un milieu modeste qui va soudainement être propulsée dans un monde rêvé, qu’elle admire. Cet émerveillement, on le retrouve dans «Bonnard, Pierre et Marthe».

Mon métier me rend heureuse et participe à mon équilibre mental.

Marthe était étrange et énigmatique. Elle a vécu une histoire d’amour quasiment mystique avec Pierre et la nature. Elle avait aussi une dangerosité en elle face à ses rivales sociales et amoureuses. J'aime toutes ces nuances. 

Vous l’incarnez de sa jeunesse jusqu’à sa mort, sans avoir recours au «de-aging», cette technologie numérique qui permet de rajeunir ou de vieillir les comédiens...

Ce n’est pas moi qui décide... Pour ce film, nous avons beaucoup travaillé avec la maquilleuse et utilisé les artifices du cinéma. Il faut avant tout être embarqué par l’histoire quand on est spectateur sans trop se poser de questions sur la conception.

Quelle est votre relation à la peinture ?

À 10 ans, j’étais inscrite aux Beaux-Arts. J’aimais peindre et dessiner. Un plaisir enfantin que j’ai retrouvé pendant le tournage. J’ai toujours aimé découvrir les peintres et leurs œuvres, sans forcément me rendre dans les musées. A vrai dire, il y en avait très peu près de chez moi quand j'étais petite...

Pensez-vous que l’art a des vertus thérapeutiques ?

Mon métier me rend heureuse et participe à mon équilibre mental et à mon épanouissement. Chacun devrait trouver son canal d’expression afin de sublimer ses émotions.

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Cécile de France, ici au premier plan, partage aussi l'affiche avec Stacy Martin. (© Carole Bethuel)

Marthe Bonnard a eu beaucoup de mal à trouver sa place dans le milieu bourgeois que fréquentait son mari. Comme elle, avez-vous déjà ressenti ce mal-être ?

J’ai toujours été bien accueillie dans le milieu du cinéma. Je suis la petite Belge à qui on offre de superbes rôles. J’ai toujours ressenti beaucoup d’amour et d’affection de la part des professionnels du secteur ou du public. Et je reste encore aujourd'hui étonnée des compliments que je peux recevoir. Le 7e art a un pouvoir incroyable. Il offre une source de rêverie extraordinaire.

À l’aube de la cinquantaine, voyez-vous les rôles se raréfier et craignez-vous de disparaître des écrans ?

Pas du tout. Je trouve toujours des rôles différents, et je garde le même plaisir à jouer. Simplement à 48 ans, je commence à interpréter des mamans de jeunes adultes et plus d'enfants. C’est très excitant. Je trouve que l’on s’intéresse davantage aux personnages féminins plus âgés. Et Martin Provost est un précurseur en la matière, un féministe avant l’heure. Il a toujours brossé des portraits de femmes passionnantes et méconnues.

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