La romancière Marie Lincourt propose avec «L'Écrivaine et les narcotrafiquants» un nouvel ouvrage au rythme effréné, qui voit son héroïne se retrouver embarquée aux quatre coins du monde par les personnages qu'elle a elle-même créés. Une aventure virevoltante qui ose sans retenue.
Pas de tout repos. Pour son nouveau roman -déjà le 14e ouvrage paru- la journaliste et romancière Marie Lincourt ne perd pas de temps et garde le même rythme effréné déjà à l'oeuvre dans son précédent livre, «Les jambes à son cou».
Dès l'entame de «L'Écrivaine et les narcotrafiquants», le lecteur est ainsi happé par le récit. Après une page dédiée aux multiples épigraphes qui donnent d'emblée le ton, ici, pas de temps mort, l'idée est bien d'embarquer pour une folle escapade où le lecteur devra souvent reprendre son souffle.
On y suit, dans une mise en abyme aussi soudaine qu'inattendue la romancière Lucy, qui, sous la chaleur écrasante de l'été et à peine assise à son bureau pour reprendre le fil de son écriture, voit surgir dans la pièce un individu presque familier... Un certain Antonio, qui n'est autre que le héros récurrent de ses romans. Un évanouissement plus tard, et voilà la romancière transformée en véritable héroïne de roman d'aventure, à la merci de tous les personnages dont elle a parsemé ses histoires, et qui rêvent désormais de régler leurs comptes avec cette auteure qui leur en a fait voir de toutes les couleurs.
La presque quadragénaire, dont la plastique semble enflammer une galerie de mâles aussi violents que rancuniers, va bien tenter de s'accrocher à son pouvoir de démiurge, celui que lui confère son écriture, mais la reprise en main de ses propres héros semble vaine. Rapidement, la belle va alors se retrouver prise dans les méandres d'une aventure rocambolesque, à l'image d'une Angélique qui aurait troqué les pirates de la Méditerranée pour les narcotrafiquants du Mexique. Son Antonio, désormais en chair et en os, pris en chasse par la mafia, accuse Lucy d’être à l'origine de tous ses tourments. De la France à Haïti en passant par l'Afghanistan, ce sont tous les recoins les plus chauds de la planète que le duo improbable va devoir visiter, pour échapper tour-à-tour aux mafieux, tueurs, trafiquants comme aux talibans.
Un tourbillon de sensations fortes
On retrouve dans «L'Écrivaine et les narcotrafiquants» un savant mêlange d'ingrédients déjà utilisés dans les romans de Marie Lincourt : rites vaudous, quiproquos vaudevilesques, protagonistes multiples et décors aux quatre coins du monde.
Côté style, là aussi la verve de Marie Lincourt retrouve toutes ses couleurs, entre la gouaille à la San Antonio et le style façon série noire d'Henri Verneuil, déjà à l'oeuvre dans «Les jambes à son cou». Mais cette fois, le ton sait aussi se faire plus grave, quand il s'agit de décrire les piètres solutions qui se présentent à la gent féminine dans bons nombres de zones du globe, interrogeant plus généralement sur la condition féminine.
Marie Lincourt n'élude rien des assauts - y compris sexuels - que son héroîne subira, faisant passer l'ambiance de L'Homme de Rio aux Promesses de l'ombre en un quart de page, un peu comme si Philippe de Villiers avait décidé, comble de l'ironie, de laisser à une femme les clés de ses romans d'espionnage. Dans un mêlange des genres bouillonnant, la romance affleure malgré tout au fil des pages, dans une version sous cocaïne du syndrôme de Stockholm, quand les détails précis sur la production de pavot, le nom des calibres ou les barbouzes à l'ancienne font pencher l'ensemble du coté du roman noir.
L'attrait que peut en retirer le lecteur vient sans doute de l'empathie rapide qu'on ressent envers cette héroïne de papier, secouée mais jamais brisée, aussi impuissante que résistante.
Ce nouveau roman illustre en tout cas le talent de l'auteure pour la nouvelle, un exercice qu'elle connait bien, dans ce récit de moins de 200 pages qui ne s'embarrasse pas de vaines présentations. En somme, le livre idéal à dévorer dans le wagon d'un train lancé à pleine vitesse.
L'Écrivaine et les narcotrafiquants, de Marie Lincourt, 165 p., ed. Le Lys Bleu, 19,70 €.