Sorti en salles en 2015, «The Revenant» a rencontré un succès publique et critique à travers le monde, permettant à Leonardo DiCaprio de remporter l'unique Oscar du meilleur acteur de sa carrière. Son tournage, lui, ne fut pas de tout repos.
Un joyau sorti du chaos. Un an après avoir connu la consécration grâce à la comédie super héroïque «Birdman», le réalisateur mexicain, Alejandro G. Iñárritu, se lançait l’année suivante à l’assaut de «The Revenant», un film ambitieux avec Leonardo DiCaprio dans le rôle d’Hugh Glass, un trappeur lancé dans une quête de vengeance après avoir été laissé pour mort par des membres de son expédition dans le Dakota du Sud, en 1823. Et dès le départ, la production va faire face à de nombreuses difficultés, avec un tournage se déroulant dans des conditions extrêmes, prolongeant celui-ci de manière significative, et de fait, provoquant un dépassement du budget initial.
Inspiré du livre éponyme de Michael Punke publié en 2002, «The Revenant» est resté longtemps à l’état de projet avant qu’Alejandro G. Iñárritu n’y soit définitivement rattaché en 2011. Selon le site américain The Hollywood Reporter, l’année précédente, le réalisateur avait travaillé main dans la main avec le scénariste Mark L. Smith pour rédiger une première version du scénario. Et d’après ce dernier, la vision d’Alejandro G. Iñárritu semblait tout à fait impossible à mettre en œuvre. «Il avait beaucoup d'idées, et je lui disait : ‘Alejandro, on ne pourra pas le faire, ça ne marchera pas’. Et il me répondait : ‘Mark, crois-moi, on peut y arriver’», expliquait-il au site CreativeScreenWriting en janvier 2016.
Des conditions extrêmes
Après avoir passé des mois à développer le script de «The Revenant», Alejandro G. Iñárritu s’engage sur le film «Birdman» qui sortira en salles en 2014, et qui raflera trois Oscars l’année suivante, dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film. Quelques mois avant son couronnement à Hollywood, il se présente sur le tournage de «The Revenant», dont le budget initial est fixé à 60 millions de dollars, avec un tournage dans des coins reculés du Canada calé dès le mois de septembre 2014.
Aussi, la décision du réalisateur de tourner les scènes dans l’ordre chronologique, et uniquement à la lumière naturelle, va venir sévèrement compliquer la tâche de tous ceux impliqués dans l'aventure. Car tourner à la lumière naturelle réduit de manière drastique le temps de tournage possible dans une journée, obligeant les acteurs et les équipes techniques à faire des répétitions minutieuses et complexes de chaque scène afin d’exploiter au mieux le temps imparti.
Dans un article publié par The Hollywood Reporter, un membre de l’équipe de tournage a détaillé la manière dont Alejandro G. Iñárritu, malgré les intenses préparatifs exigés, laissait également une part d’improvisation et d’expérimentation à ses collaborateurs. Ce qui pouvait être la source de sérieuses complications. Sa vision très précise du film qu’il souhaitait mettre sur pellicule a conduit à plusieurs licenciements et démissions. «En tant que réalisateur, si j’identifie un violon qui ne joue pas en harmonie, je me dois de l’extraire de l’orchestre», expliquait le réalisateur à propos de son niveau d'exigence.
Une météo impitoyable
Tourner un film au Canada pendant la période hivernale et au printemps n’a pas facilité les choses pour les équipes de tournage. «Tout le monde était congelé, les équipements se cassaient. Bouger la caméra d’un endroit à un autre était un cauchemar», se souvient Alejandro G. Iñárritu. Ironie du sort, le manque de neige au Canada forcera le réalisateur et ses équipes à délocaliser temporairement le tournage au sud de l’Argentine afin de filmer une scène capitale se déroulant dans la neige.
Cette scène, tournée quatre mois seulement avant la sortie du film en salles, voyait le personnage incarné par Leonardo DiCaprio s’opposer à celui joué par Tom Hardy. «C’était la scène la plus difficile, je pense, qu’aucun de nous n’a jamais eu à tourner», avait confié DiCaprio au site Variety en novembre 2015. Celle-ci viendra ajouter plusieurs chiffres à un budget désormais hors de contrôle. Avec plusieurs mois de retard, l’ardoise finale se chiffrera à 135 millions de dollars, soit plus du double initialement prévu.
Un succès inattendu
Selon le site américain Vulture, l’espoir de voir «The Revenant» entrer dans ses frais lors de sa sortie en salles était maigre. Surtout pour un film qui n'offrait ni la possibilité d'une suite, ni la perspective de revenus générés par la vente de produits dérivés. Après le premier week-end, les producteurs ont probablement eu des sueurs froides devant le résultat d’exploitation, estimé entre 20 et 24 millions de dollars. Des chiffres indiquant, la plupart du temps, une catastrophe à venir. Mais le film continuera inexorablement à attirer le public dans les salles, aussi bien aux États-Unis où il engrangera plus de 183 millions de dollars de recette, que sur le marché international, où il finira avec un bilan de 532 millions de dollars (486 millions d'euros).
Mieux encore, «The Revenant» s’est imposé comme un succès critique quasi-unanime à travers le globe, aussi bien concernant la réalisation d’Alejandro G. Iñárritu que la performance des acteurs, notamment Leonardo DiCaprio et Tom Hardy. Nommé à trois reprises pour l’Oscar du meilleur acteur dans sa carrière, le premier raflera la seule statuette de sa carrière en 2016 grâce au rôle d’Hugh Glass. Pour Alejandro G. Iñárritu, c’est un exploit inouï puisqu’il est couronné pour la deuxième fois consécutive en tant que meilleur réalisateur. Une première dans l’histoire de l’Académie depuis Joseph L. Mankiewicz en 1950.
De l’avis de nombreux spécialistes, le succès de «The Revenant» s’est révèlé être primordial dans le monde du cinéma, permettant de convaincre les studios de la pertinence de continuer à investir dans des projets ambitieux. Même quand la garantie d'un retour sur investissement fait défaut. «Si le film avait échoué, vous n'auriez jamais vu quelqu'un essayer un film comme celui-ci», affirme Brad Weston, le patron du studio New Regency, à Vulture. «Les inconvénients d’un échec auraient été encore plus grands que les avantages d’un succès. J’espère que cela donnera aux studios une certaine confiance pour continuer d'essayer», poursuit-il.