Jusqu’au 7 janvier, l’Atelier des Lumières, à Paris, plonge petits et grands dans le monde fascinant et rafraîchissant de Brian Skerry, photographe britannique qui a passé plus de 10 000 heures sous l’eau. Ses clichés, projetés en format XXL, sont à couper le souffle.
Au cours de cette visite immersive sur les merveilles de la mer, on se retrouve face aux baleines, mammifères que vous connaissez très bien, et qui nous ressemblent beaucoup. Qu’ont-elles en commun avec les humains ?
B.S. : On a toujours su que les baleines sont intelligentes et qu’elles respirent de l’air, comme les humains. Mais aujourd’hui, on sait qu’on a encore plus de choses en commun avec ces mammifères marins. J’ai réalisé un documentaire pour Disney + avec James Cameron, intitulé «Les secrets des baleines», dans lequel je parle de ce sujet.
Les baleines ont une grande et complexe culture. Elles ont des traditions ancestrales qui remontent à des milliers d’années. Par exemple, elles ont plusieurs langues et elles ont toutes des habitudes alimentaires différentes. Comme nous, les baleines prennent des vacances en été et se rendent à leurs plages favorites.
Ces mammifères aiment également chanter. Chaque été, les baleines à bosses organisent un concours de chant, et à l’issue de celui-ci, le chant qui a été retenu est alors repris par toutes les baleines au cours de l’année.
Vous avez aussi côtoyé de très près des requins. En quoi leur présence est-elle essentielle pour l’équilibre de la vie océanique ?
Les requins sont les plus gros prédateurs dans l’océan, comme les lions et les ours le sont sur terre. Ce sont les requins qui préservent l’écosystème. Leur rôle est vital pour l’équilibre de la mer. Ils font attention à ceux qui vivent et à ceux qui sont en train de mourir. On en connaît 4 ou 5, mais il y a plus de 500 espèces de requins.
On tue chaque année 100 millions de requins dans le monde.
Ils vont tuer et manger les créatures les plus faibles. Ces dernières ne pourront donc pas transmettre leur ADN. Les requins renforcent ainsi les capacités de chaque espèce. En s’attaquant aux phoques les plus lents, il va permettre aux autres phoques de devenir plus rapides et plus forts avec l’évolution. Grâce à lui, les animaux sont dotés de meilleures cellules.
J’en profite pour rappeler qu’on tue chaque année 100 millions de requins dans le monde, et ce, essentiellement pour leur peau et pour faire de la soupe en Asie.
Vous sillonnez les fonds marins depuis plus de quarante ans. Au fil des années et de vos excursions sous-marines, avez-vous constaté que les poissons et les mammifères marins étaient de moins en moins nombreux ?
Je n’aurais jamais imaginé voir autant de changements dans l’océan. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a détruit plus de 90% des gros poissons et mammifères, comme les requins, les thons, les marlins, et 50% des récifs coralliens. D’une part à cause de la pêche, mais aussi de la pollution.
On est dépendant de l'océan. S'il meurt, on meurt.
Chaque année, 9 milliards de kilos de plastique se retrouvent dans la mer. C’est très important de comprendre que l’on vit de l’océan, on est dépendant de lui. Quand on respire, une respiration sur deux provient de l’oxygène des océans, peu importe où on réside. Il est vital pour l’Homme. Si l’océan meurt, on meurt.
En effet, via cette exposition, on voit la splendeur du monde sous-marin autant que sa fragilité. Quelle est la problématique la plus urgente ? Le réchauffement climatique ? La pollution plastique? La surpêche ?
Ils sont tous importants mais le plus destructeur est le réchauffement climatique. Il change complètement la donne. L’océan capture et stocke énormément de dioxyde de carbone (CO2). Mais avec l’industrialisation, il ne peut plus tout absorber. Résultat, l’eau de la mer est plus acide. Son Ph augmente et cela a des conséquences néfastes sur les animaux et les plantes marines.
Vos images, et cette exposition, ont-elles le pouvoir de faire changer les choses ?
C’est la première fois que mes photos et mes vidéos sont exposées de cette manière, c’est-à-dire en musique, et projetées sur des murs de 10 mètres de haut. Mon souhait, c’est qu'en déambulant à l'Atelier des Lumières, le public prenne conscience que la vie sous-marine est magnifique.
Je veux surtout qu’il tombe amoureux de l’océan car pour reprendre les mots de l'explorateur et océanographe Jean-Yves Cousteau : «On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l'on aime».