Melvil Poupaud sera à l'affiche ce mercredi de «Coup de chance», nouveau film de Woody Allen. Un cinéaste «de génie» selon l’acteur, lequel détonne dans ce vaudeville aux allures de thriller.
Il nous a émus dans «Un beau matin» de Mia Hansen Løve, en tentant de redonner le sourire à Léa Seydoux. Il nous a terrifiés en époux violent et toxique dans «L’amour et les forêts» de Valérie Donzelli, face à Virginie Efira.
Dans «Coup de chance», 50e et nouveau film de Woody Allen au cinéma ce mercredi 27 septembre, Melvil Poupaud incarne le charismatique Jean, un mari manipulateur éperdument amoureux de sa femme Fanny (Lou de Laâge), qui devient fou lorsque cette dernière le trompe avec Alain (Niels Schneider), un camarade de lycée devenu écrivain qu’elle a retrouvé par hasard. Sa belle-mère (Valérie Lemercier) a rapidement quelques soupçons. Et le quotidien du couple bourgeois va dès lors vaciller.
Dans ce premier film du cinéaste new-yorkais entièrement tourné en français avec un casting 100% tricolore, Melvil Poupaud excelle dans un rôle à la fois drôle et sombre. Une partition que ce fan inconditionnel de Woody Allen ne pouvait refuser.
Avant de le rencontrer, que représentait Woody Allen pour vous ?
Je viens d’une famille plutôt cinéphile, ma mère étant réalisatrice et productrice (Chantal Poupaud, décédée l’an dernier, ndlr). J’ai donc vu, enfant, les films de Woody Allen, dont «Woody et les robots» qui nous faisait beaucoup rire avec mon frère. Adulte, j’allais au cinéma voir ses longs-métrages dès qu’ils sortaient. Pour moi, Woody Allen est à la fois un clown et un grand metteur en scène. C’est un génie au même titre que Federico Fellini ou François Truffaut. Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour je puisse tourner sous sa direction, et a fortiori avec un grand rôle. Je me sens toujours comme un enfant émerveillé quand je le croise. De la même manière que je suis encore impressionné quand je me retrouve face à Catherine Deneuve.
Aux Etats-Unis, l’image de ce génie du cinéma a néanmoins été ternie après les accusations d'agression sexuelle lancées par Dylan Farrow, fille qu'il a adoptée avec son ex-femme, Mia Farrow. Des faits qu’il réfute. Avez-vous hésité à travailler avec lui ?
Je ne suis ni juge, ni avocat. Je ne me mêle pas de la justice. J’ai juste envie de travailler avec de bons metteurs en scène.
Woody Allen ne parle pas français. Pourtant «Coup de chance» est entièrement tourné dans la langue de Molière. Comment s’est passée la direction d’acteurs ?
Dès le début, il nous a demandés de nous emparer du texte et de réécrire les dialogues si nous en ressentions le besoin. L’essentiel restait pour lui l’intention et le fait de jouer avec le cœur. Woody Allen déteste le second degré, et veille à la gestuelle et l’apparence de ses personnages. Sur le tournage, il lui suffisait de nous regarder pour savoir si nous étions juste ou non. Etant musicien, il a une bonne oreille.
À 50 ans, j'ai déjà quarante ans de métier. (...) On me donne des rôles de plus en plus intéressants.
On m’avait dit qu’il n’était pas très bavard avec les comédiens. Je l’ai trouvé, au contraire, très enthousiaste quand il s’agissait de nous diriger. Et j'ai adoré mon personnage de Jean qui m’a permis de passer d’un registre à un autre. C’est un homme sûr de lui, arrogant, mais très amoureux de sa femme qui perd totalement les pédales. J’aime jouer les méchants. En vieillissant, on me donne des rôles de plus en plus intéressants.
Comment l’expliquez-vous ?
Je n’ai plus peur du ridicule et j’ose davantage. Je suis plus à l’aise devant la caméra car j’ai gagné en expérience. A 50 ans, j’ai déjà quarante ans de métier (il a tourné son premier film, «La ville des pirates» de Raoul Ruiz, à 10 ans). Je pourrais presque toucher ma retraite, étant donné que je cotise depuis longtemps. Ça me fait marrer…
Et qu’auriez-vous rêvé de faire si vous n’étiez pas devenu comédien ?
De la musique. C’est une affaire de famille et de copains. Je collabore avec mon frère, Yarol. Et quand un ami comme Benjamin Biolay m’appelle pour jouer un soir ou venir sur une tournée, j’y vais sans réfléchir. La musique, je me lève et je m’endors avec. C’est ma passion presque davantage que le cinéma. Le cinéma, je suis «tombé dedans» petit. J’ai travaillé très jeune avec des réalisateurs d’art et d’essai. Être sur un plateau, c’est devenu une seconde nature. Quelque chose d’acquis. Avec la musique, c’est une découverte de chaque instant. Je suis sans cesse en apprentissage. Par exemple, en ce moment, je m’intéresse à la musique classique avec ses harmonies, son orchestration. C’est un pur plaisir.
Croyez-vous à la chance, au hasard ou au destin ?
Je crois aux mots. Et il y a différents mots pour dire la même chose. Je crois au karma, en Dieu, en la parole de Jésus-Christ. Je suis aussi ruizien avec cette idée que les histoires ont une volonté propre et que nous sommes embarqués dans un mécanisme qui nous dépasse totalement avec un début et une fin. J’aime Jung et les archétypes. Des bribes d’histoires originelles qui se perpétuent. Nietzsche et l’éternel retour, ça me parle également. A 87 ans, Woody Allen nous donne sa vision de ce qu’est la vie à travers ce film très français qui, derrière un côté désuet et vaudevillesque, est d’une grande profondeur. Il évoque la chance… Je pense qu’il est davantage ici question de destin.