Le théâtre du Châtelet accueille jusqu’à vendredi en avant-première mondiale l’opéra «Android Opera Mirror», qui met en scène Alter 4, un robot chanteur doté d’une IA.
Dix ans après «The End», un opéra sans humains avec Hatsune Miku, Keiichiro Shibuya - qui depuis cinq ans compose des «opéras androïdes» en travaillant avec des robots dotés d’une intelligence artificielle - revient au Châtelet avec son œuvre la plus ambitieuse à ce jour : «Android Opera Mirror».
Présenté en première mondiale, «Android Opera Mirror» est annoncé comme «une «nouvelle forme d’opéra, où se rencontrent la technologie et l’expression humaine».
Le spectacle convoque sur scène, pour accompagner le piano du compositeur Keiichiro Shibuya et sa musique électronique, Alter 4, un robot chanteur humanoïde doté d’une IA, l’orchestre Appassionato, et un chœur bouddhiste japonais.
Dans le même temps, sur l’écran, l’artiste plasticienne Justine Emard créé des visuels en temps réel mixés avec les vidéos du robot.
La présence de l’androïde est destinée à interroger notre rapport à la mort, aux machines et au futur. «Le propre de la machine est la prévisibilité. Le propre de l’humain est l’instabilité. La rencontre entre les deux provoque des émotions nouvelles», estime Keiichiro Shibuya. «J’ai toujours aimé et cherché la dualité dans les arts ; quand le beau se mêle avec l’effrayant, l’incarné avec le désincarné, le traditionnel avec le moderne, la vie avec la mort… J’y vois l’expression de notre condition humaine, mais aussi celle de son dépassement», explique-t-il.
Pour «Android Opera Mirror», Keiichiro Shibuya dit avoir poussé cette dualité à son paroxysme. «Je m’inspire ou me sers de textes d’auteurs qui ont une sensibilité à fleur de peau et qui font part de leur fragilité existentielle : Michel Houellebecq et son roman La Possibilité d’une île (ed. Fayard), mais aussi les ultimes ouvrages de Ludwig Wittgenstein et Yukio Mishima. Je leur fais rencontrer l’intelligence artificielle et un robot humanoïde, dont l’expression, dans la composition et la présence sur scène, est a priori très froide. Cet alliage, il me semble, provoque une espèce de vertige.»
Quant à la place de la machine dans la composition même du spectacle, il explique : «Pour le texte, certaines parties sont directement extraites du roman de Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île ; je les reprends telles quelles. D’autres, en revanche, ont été élaborées avec le programme ChatGPT 4. J’ai formulé des requêtes de façon très précise, en partant d’un corpus de chants bouddhistes millénaires, et le programme m’a proposé autre chose : ses créations à lui. Pour la musique, j’ai composé les partitions des instrumentistes et certaines mélodies chantées par l’androïde. Mais parfois, celui-ci improvise sa propre mélodie, grâce à un programme que nous avons conçu, en écoutant le chœur des moines et en se synchronisant avec lui.»
«Android Opera Mirror», du 21 au 23 juin au théâtre du Châtelet, de 7 à 65 euros.