Rares sont les fans de mangas et de football à ne pas avoir un jour admiré les prouesses de Tsubasa Ozora (alias Olivier Atton) et de la New Team. Auteur de Captain Tsubasa, Yoichi Takahashi, était de passage à Monaco fin février pour le festival Magic. Un temps que CNEWS a pu saisir pour rencontrer le mangaka, qui s'apprête à tourner une nouvelle page pour son joueur favori.
A 62 ans, Yoichi Takahashi garde l'œil attentif et un grand sourire lorsqu'il rencontre ses fans au festival monégasque Magic, qui s'est tenu fin février dans la principauté. C'est aussi un privilège, car en Occident, l'homme se fait rare. Mais il n'a pas hésité à signer le dessin de l'affiche de cet événement lié à la pop culture et qui a réunit plusieurs grands noms japonais. Un honneur pour les admirateurs des prouesses techniques de Captain Tsubasa, que les plus anciens connaissent sous le nom d'Olive et Tom.
Surtout, Yoichi Takahashi appartient à ces mangakas légendaires dont les œuvres se sont écoulées à plus de 100 millions d'exemplaires à travers le monde. Un exploit à la hauteur de ses héros, autour d'un sport que cet homme a contribué à populariser en Asie, tandis que certains joueurs de foot lui doivent même l'envie de devenir les meilleurs, à l'instar d'Antoine Griezmann et de Kylian Mbappé.
Lors de la Coupe du monde de football au Qatar, le Japon s’est bien illustré. Je voulais connaître vos impressions sur cette compétition ? Y a-t-il des joueurs qui vous ont marqués ?
Yoichi Takahashi : Le Japon a battu l'Allemagne et l'Espagne et ça c'était vraiment incroyable pour nous ! Tout le monde était très heureux. Parmi les joueurs qui m'ont le plus impressionné, il s'agit forcément de Kylian Mbappé et de Lionel Messi.
Captain Tsubasa a inspiré beaucoup de joueurs de foot professionnels et dans de nombreux pays. Avez-vous une certaine satisfaction de voir l'influence que vous avez eu sur leur destin ?
A l'origine, quand j'ai fait ce manga au Japon au début des années 1980, le football n'était pas très connu là-bas, ni très populaire. Finalement, je voulais montrer aux gens que le football était un sport intéressant et sympa. Rapidement, le manga a commencé à gagner en popularité, c'était super mais en plus il y a eu cet impact à l'international qui a suivi. Je crois que tout ça m'a rendu vraiment très heureux. D'ailleurs, je n'avais absolument pas pensé assister à un tel rayonnement dans d'autres pays que le Japon.
Vous êtes vous-même très sportif et avez pratiqué de nombreux sports. En quoi le foot est-il devenu votre sport favori, lorsqu’en 1978 vous avez assisté à la coupe du monde en Argentine ?
Il faut savoir que cette année-là, le Japon n'a pas participé à cette Coupe du monde. Mais finalement, j'ai beaucoup aimé regarder les matchs. Ils étaient fun et intéressants. Tout ça me plaisait beaucoup. J'ai en réalité beaucoup joué au baseball, mais c'était un sport plus contraignant. Le football, quant à lui, offrait plus de liberté et c'est ce qui m'a plu.
Comment Tsubasa Ozora est-il né ?
Comme je le disais, à cette époque-là au Japon, le football n'était pas populaire. Alors j'avais envie de créer un super joueur japonais, le faire progresser et devenir très fort au football et emmener ses équipes le plus loin possible. Surtout, le thème de ce manga tourne autour des rêves et de faire de son mieux pour arriver à les atteindre, comme Tsubasa qui voulait devenir le meilleur joueur du monde. C'est vraiment ça que j'ai voulu transmettre à travers ce manga : poursuivre ses rêves.
A l'origine, je n'avais pas prévu que Kojiro Hyuga (Mark Landers) prendrait autant d'ampleur.Yoichi Takahashi
Kojiro Hyuga (Mark Landers) est sans doute l’un des meilleurs antagonistes des mangas sportifs. Pouvez-vous nous expliquer comment vous l’aviez imaginé à l’origine ? Etait-il différent de sa version finale ?
Effectivement Tsubasa a eu plusieurs adversaires et lorsque j'ai introduit Kojiro Hyuga dans le manga, je n'avais pas prévu qu'il prendrait autant d'ampleur. Il est vraiment l'antagoniste de notre héros. Tsubasa est gentil, Hyuga est plutôt dur, Tsubasa est un joueur technique, mais Hyuga a la puissance. On retrouve aussi ces différences autour de leurs familles respectives. Tsubasa a ses deux parents et Hyuga vient d'un mileu pauvre. J'ai vraiment voulu faire un personnage complètement opposé et lui donner la place du rival principal.
Parmi tous les incroyables joueurs qui peuplent les pages de vos mangas, y en a-t-il un que vous affectionnez davantage et pourquoi ?
J'aime beaucoup Ryô Ishizaki (Bruce Harper). Parce qu'il n'a pas un don comme Tsubasa. Il a commencé en étant sur le banc, mais il s'est battu, il a fait les efforts nécessaires pour finalement rejoindre aussi l'équipe du Japon. Tout son travail a donc fini par payer et c'est ce que j'aime beaucoup. Il me fallait un personnage comme celui-ci pour montrer au lecteur que lui aussi il peut se dépasser.
Je pense que c'est bon moment pour la fin de Captain Tsubasa : Rising SunYoichi Takahashi
En janvier dernier, il a été annoncé que le manga «Captain Tsubasa : Rising Sun» entrait dans son dernier arc. Est-il vraiment temps de dire au revoir à cette série ?
Pour le moment, je n'ai pas d'autres projets de mangas, mais en tout cas on entre effectivement dans le dernier arc narratif de ce manga. Je pense que c'est le bon moment pour la fin et je pense que les gens vont peut-être être surpris sur le déroulement final. Par la suite, il arrivera peut-être quelque chose sous une autre forme, autre qu'un manga à un moment. C'est tout ce que je peux dire...
Comment travaillez-vous au quotidien ?
Je pense en effet que je travaille peut-être plus que la plupart des gens, mais il est aussi vrai que c'est un plaisir pour moi de dessiner. Ça fait partie de ma vie. En revanche, en ce moment par exemple, j'ai à peu près un jour de congé par semaine. Et ce jour-là, j'en profite pour faire beaucoup de sport et des choses avec ma famille. La santé, c'est important aussi pour les mangakas parce qu'on n'a pas forcément les bonnes positions lorsqu'on dessine.
Vous avez dessiné de nombreuses histoires autour de Tsubasa et ses amis, de quel arc narratif êtes-vous le plus fier en plus de 40 années passées avec ces personnages ?
Evidemment, la série d'origine est pour moi très importante. En plus, j'étais jeune, j'avais plein d'idées donc je l'aime beaucoup. En revanche, je garde un souvenir fort de la sortie de «Captain Tsubasa : Road to 2002» [NDR : qui raconte l'arrivée des joueurs de Tsubasa dans les clubs européens avec l'objectif de la coupe du monde au Japon en 2002]. En fait, c'était vraiment un nouveau départ pour Tusbasa. C'est lui qui a donné un renouveau à la série et c'est un peu la deuxième étape dans ce parcours. C'est une série qui est très importante aussi. Aujourd'hui avec l'arc Rising Sun, j'essaie de faire la meilleure histoire possible.
Merci à Noella Bonnier pour la traduction simultanée et Shibuya Productions pour cet entretien.