Dans «Annie Colère», de Blandine Lenoir, au cinéma ce mercredi 30 novembre, Laure Calamy milite pour la légalisation de l’avortement. Cette comédie dramatique revient en effet sur le MLAC, un mouvement méconnu qui a œuvré pour faire voter la loi Veil en 1975.
Quand on la rencontre dans un hôtel parisien près de la gare du Nord, en compagnie de la réalisatrice Blandine Lenoir, Laure Calamy rayonne, à l’instar du personnage qu’elle incarne dans «Annie Colère», en salles ce mercredi 30 novembre. Dans ce long-métrage qui se déroule un an avant la promulgation de la loi Veil qui autorise et encadre l’interruption volontaire de grossesse en France, l’actrice césarisée se glisse dans la peau d’Annie. Cette ouvrière dans une usine de fabrication de matelas, heureuse en ménage et mère de deux enfants, tombe accidentellement enceinte.
Ne souhaitant pas garder ce bébé, elle se tourne vers le mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), qui pratique gratuitement des IVG dans la plus grande illégalité, mais aux yeux de tous. Auprès de ces féministes et ces médecins militant(e)s, Annie, qui a «très vite suivi un parcours tout tracé, soumise à l’autorité de son père, puis de son mari et de son patron, va se découvrir des capacités et une force qu’elle ne soupçonnait pas», explique la comédienne.
Laure Calamy, qui a reçu une éducation féministe auprès d’une mère qui lisait ‘Le deuxième sexe’ de Simone de Beauvoir et la revue «Sorcières» avec des figures comme Hélène Cixous, a découvert ce mouvement - largement méconnu - grâce à Blandine Lenoir. Cette dernière confesse : «On aime raconter le roman national avec des grands hommes ou des grandes femmes comme Simone Veil. Mais le MLAC n’avait pas de vedette. On a oublié ces bénévoles solidaires qui ont lutté et poussé le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing à modifier la loi sur l’avortement. J’ai voulu réhabiliter l’histoire de ce mouvement qui a duré dix-huit mois, qu’elle fasse partie de la mémoire collective».
La méthode Karman, «une technique révolutionnaire»
Lors de sa première entrevue avec quelques membres du MLAC dans l’arrière-boutique d’une libraire, Annie revient sur un précédent avortement qu’elle a subi. Un acte barbare dont elle garde un souvenir douloureux, pour lequel on utilisait des cintres ou des aiguilles à tricoter, et qui causait la mort de milliers de femmes chaque année. Mais très vite, elle comprend que «l’avortement peut être un soulagement, et non un drame, s’il se déroule dans la tendresse, l’écoute et la bienveillance», insiste la cinéaste. Laure Calamy renchérit : «Ce mouvement avait recours à la méthode Karman qui consistait à aspirer avec une canule le contenu de l’utérus. Avant le tournage, je ne connaissais pas cette technique révolutionnaire, simple et indolore».
Cette technique montrée lors de six avortements pendant le film, Blandine Lenoir l’a apprise grâce à des anciennes militantes du MLAC, lesquelles furent honorées de voir leur combat porté sur grand écran. «J’ai transmis le geste à toutes mes actrices et mes acteurs et j'ai tenté de ne pas trahir ces femmes qui ont œuvré dans l’ombre», déclare-t-elle.
Somptueux film sur la sororité incarné par une belle brochette de comédiennes (India Hair, Zita Hanrot, Rosemary Standley, Pascale Arbillot…), «Annie Colère» se présente comme un récit d’émancipation où l’éducation à la sexualité n’est pas un tabou, alors que le droit à l’avortement est aujourd’hui encore bafoué dans de nombreux pays. Aux Etats-Unis, la Cour suprême a même révoqué ce droit constitutionnel. «Il ne faut jamais baisser la garde, c’est un combat de chaque instant, rappelle Laure Calamy. Je me souviens encore de Jacques Chirac (président de 1995 à 2007, ndlr) qui proposait le déremboursement de l’IVG et se montrait très tolérant envers les mouvements anti-avortement qui manifestaient dans les hôpitaux. On ne veut pas supprimer ce droit en France par crainte d’un tollé général, mais on veut en amoindrir l’accès».
Pour l’actrice et la réalisatrice, la femme doit «pouvoir disposer de son corps librement, et choisir ou non d’être mère». L’interprète d’«Antoinette dans les Cévennes» regrette cette injonction à faire des enfants à tout prix : «Anénome ou Jeanne Moreau ont osé dire qu’elles regrettaient d’avoir eu des enfants. Elles ont été vivement critiquées. Pourtant, on ne fait pas ce genre de réflexion à un homme. C’est dommage».