Annulation du film «Batgirl», retour de Ben Affleck dans le costume du Batman et changement de président à la Warner Bros depuis le rachat de Discovery, autant d'éléments qui rendent incertain l'avenir cinématographique des films estampillés DC. Attention, de légers spoilers se glissent dans l'article.
«DC, c'est quelque chose qu'on peut mieux faire». Presque dix ans après sa création, l'Univers cinématographique DC n'a jamais réussi à trouver une stabilité artistique et industrielle. Une situation à l'opposé de Marvel, qui, depuis son rachat par le mastodonte Disney, a imposé son processus de développement à travers le tout Hollywood.
David Zaslav, nouveau directeur de Warner Bros depuis le rachat par le groupe Discovery, entend révolutionner la machine : «Nous avons tout remis à zéro. Nous allons nous focaliser sur la qualité et nous ne sortirons aucun film tant qu'ils ne sont pas prêts».
L'Univers cinématographique DC (aussi nommé DCEU ou Worlds of DC), adapté des comics éponymes et dont les droits sont utilisés par le groupe Warner Bros Discovery depuis 1969, va donc subir un énième remaniement au cinéma. Mais entre les annulations surprises de certains projets, le retour d'anciens acteurs et le développement du fameux «multivers», difficile d'y voir très clair. Le moment opportun donc, de remettre un peu d'ordre à travers toutes les annonces.
Des débuts mouvementés
Pour comprendre la trajectoire du DCEU, il faut remonter à l'été 2008 et la sortie du «Dark Knight» de Christopher Nolan. À l'époque, le film réalise le meilleur démarrage de tous les temps aux Etats-Unis et devient le premier film de super-héros à franchir le milliard de dollars au box-office mondial. Un succès gargantuesque pour le Chevalier noir qui contrebalance l'échec commercial du «Superman Returns» de Bryan Singer, sorti en 2006.
La Warner décide alors de réadapter l'histoire de l'Homme d'acier et, par la même occasion, d'établir les fondations d'un potentiel univers cinématographique au cinéma. Sorti en 2013, «Man of Steel» satisfait critiques comme spectateurs. La machine se met alors en marche, avec l'annonce d'une dizaine de films adaptant le catalogue de personnages DC, liés entre eux par le projet «Justice League», l'équivalent des Avengers de l'écurie Marvel.
Mais l'ogre marketing est très vite ralenti par les retours très froids des deux films suivants, «Batman v Superman : l'Aube de la Justice» et «Suicide Squad». Chez Warner, c'est panique à bord et les grands pontes du studio commencent à douter du réalisateur qui devait établir les bases : Zack Snyder. Au point que ce dernier, qui voit sa fille Autumn mourir en mars 2017, décide d'abandonner la post-production de «Justice League». Sa sortie en novembre, dans une version «Frankenstein» du film originellement prévu, est un désastre.
Depuis cette période, l'Univers cinématographique oscille entre des propositions plus modestes («Birds of Prey», «Joker») et des blockbusters centrés sur ses personnages phares («Aquaman», «Shazam», «The Suicide Squad»), tous plutôt bien accueillis. Mais le DCEU n'offre aucune réelle perspective, tant et si bien que certains acteurs quittent le navire ou n'ont aucun projet à se mettre sous la dent, comme Ben Affleck et Henry Cavill, respectivement Batman et Superman, les figures de proue.
Un dernier événement va tout bouleverser, la sortie en VOD de l'arlésienne «Zack Snyder's Justice League», la «vraie» version du film de 2017, où l'équipe de super-héros retrouvent enfin une crédibilité artistique. Extatiques, les fans demandent la reprise de l'univers filmique, comme si rien ne s'était passé. Ce que le studio refuse catégoriquement. Bref, le chaos.
Ce qui est officiellement prévu
Dans un article du magazine The Hollywood Reporter, il a été annoncé par David Zaslav, le nouveau président de Warner Bros Discovery, «un plan sur 10 ans» pour les productions DC. L'inspiration principal de ce projet vient directement de la concurrence, puisque le néo PDG cite ses homologues de Disney/Marvel en exemple : «Ce sera très similaire à la structure qu'Alan Horn (ancien président de Disney), Bob Iger (actuel PDG de Disney) et Kevin Feige (président de Marvel Studios) ont mis en place très efficacement chez Disney».
Ainsi, le calendrier de sortie officiel des films DC s'est largement amaigri. Seuls cinq projets appartenant au DCEU sont pour l'instant confirmés :
- «Black Adam», avec Dwayne Johnson, prévu pour le 19 octobre prochain.
- «Shazam ! - La rage des Dieux», suite du «Shazam!» sorti en avril 2019. Avec une sortie prévue le 14 décembre 2022, le film devra affronter le mastodonte «Avatar 2» en salles et pourrait être décalé.
- «Aquaman et le Royaume perdu», toujours avec Jason Momoa en homme-poisson, le 15 mars 2023, mais dont la date est sujette également à modification.
- «The Flash», avec Ezra Miller (également vu dans «Les Animaux fantastiques») et réalisé par Andy Muschietti, auteur des deux dernières adaptations de «Ça». Sortie prévue pour le 21 juin 2023.
- «Blue Beetle», pour décembre 2023. Il s'agira du premier long-métrage en solo pour un super-héros latino.
Toutefois, le cas de «The Flash» est encore sujet à controverse. En effet, face à ses déboires judiciaires à répétition, l'acteur principal Ezra Miller a dû faire son mea culpa dans la nuit de lundi à mardi, où il souhaite remédier à ses «complexes problèmes mentaux». Avant cela, les exécutifs de la Warner Bros réfléchissaient aux possibilités de distribuer le film dans de bonnes conditions, tout en menaçant d'annuler le projet budgété à plus de 200 millions de dollars.
Enfin, deux longs-métrages sont également en développement : «Wonder Woman 3», avec toujours Patty Jenkins derrière la caméra et Gal Gadot dans le rôle titre, et «Zatanna», développé par Emerald Fennell, actrice puis autrice de «Promising Young Woman», récompensée du meilleur scénario original aux Oscars 2021. Le premier rôle pourrait d'ailleurs être tenu par la chanteuse Dua Lipa.
Les projets annulés
Le changement de direction à la Warner Bros a entraîné un chamboulement dans la stratégie artistique et marketing. Désormais, les films seront des «événements» destinés exclusivement au cinéma. Un mode opératoire qui va à l'encontre de ce qui avait été construit par l'ancien PDG, Jason Kilar, qui avait littéralement sacrifié la programmation Warner en sortant les longs-métrages en simultané dans les salles obscures et sur la plate-forme HBO Max. Résultat, des fours en série, malgré une explosion des abonnements... Et du piratage.
Ce basculement provoque des sacrifices pour des films et projets originellement conçus pour le service de S-VOD du groupe. Le premier à en avoir fait les frais est «Batgirl», récemment enterré par le studio alors que le long-métrage, qui a coûté 90 millions de dollars, était pratiquement achevé. Une décision quasi-inédite dans l'industrie, mais qui démontre la volonté de changement implacable du nouveau président de la Warner. Désireux de renflouer les caisses, il se dit «ouvert au business» avec la concurrence, afin d'assurer une rentabilité maximale aux projets de la firme.
D'autres projets ont été définitivement annulés ou «mis en sommeil» comme celui des «Wonder Twins», qui ne verra jamais le jour, le «New Gods» d'Ava DuVernay («Selma», «Un raccourci dans le temps») et «The Trench», le spin-off horrifique d'Aquaman basé sur les créatures de la «Tranchée», aperçue dans une scène du film de James Wan.
Quatre autres longs-métrages ont également vu leur développement être mis en pause : un film «Supergirl» avec Sasha Calle, qui interprétera la cousine de Superman dans «The Flash», «Green Lantern Corps», qui sera finalement une mini-série sur HBO Max, «Static Shock», et un projet de film avec un Superman noir produit par le spécialiste des franchises J.J. Abrams («Star Trek : Into Darkness», «Mission Impossible 3» et les épisodes 7 et 9 de «Star Wars») et scénarisé par Ta-Nehesi Coates, auteur de comics récompensé pour un arc de «Black Panther», chez Marvel Comics.
Certains seraient toujours en cours de développement, tout en restant loin des priorités de la Warner Bros. C'est le cas de «Lobo», centré sur un anti-héros façon «Vénom», «Nightwing», l'une des incarnations de Robin, le fidèle acolyte de Batman, qui devrait être réalisé par Chris McKay («Lego Batman») et «Black Canary», un spin-off centré sur le personnage vu dans «Birds of Prey et la Fantabuleuse histoire d'Harley Quinn».
Enfin, d'autres projets semblent au point mort ou ne verront probablement jamais le jour. On pense à la suite de «Man of Steel» qui n'est jamais rentré en développement et qui pourrait souffrir du départ prochain d'Henry Cavill, engagé sur la série «The Witcher». De même, l'acteur Ray Fisher, en conflit avec certains producteurs suite à des accusations de comportements malavisés sur le tournage de «Justice League», n'interprétera probablement plus jamais Cyborg, qui devait avoir le droit à son film éponyme.
Le «Multivers» à la rescousse ?
Cela n'aura pas échappé aux fans, les franchises de super-héros ont franchi un nouveau cap, celui du «multivers». Pour expliquer le concept de manière extrêmement simplifiée, il s'agit d'accepter la présence d'univers parallèles qui peuvent s'entrecroiser. La meilleure illustration est venue de Marvel avec «Spider-Man : No Way Home» qui permet aux trois incarnations au cinéma de Peter Parker (Tobey Maguire, Andrew Garfield et Tom Holland) de collaborer le temps d'un film. Le récent «Doctor Strange : Multiverse of Madness» est allé encore plus loin en incluant des personnages issus d'autres sagas, avec la présence de Charles Xavier, alias le Professeur X des X-Men.
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L'Univers cinématographique DC n'échappera pas à ce phénomène. Et le premier film qui introduira le «multivers» sera «The Flash», puisqu'il y aura deux versions du super-héros, toutes deux interprétées par Ezra Miller. Autre dédoublement au sein d'un même film, celui de Batman, avec le personnage de Ben Affleck («Batman v Superman», «Zack Snyder's Justice League») et celui de Michael Keaton, qui n'est plus apparu sous les traits du Chevalier noir depuis «Batman : le Défi» de Tim Burton, en 1992. Ce dernier devait également être le mentor de Batgirl dans le long-métrage désormais annulé.
À souligner que «The Flash» ne sera pas le grand retour de Ben Affleck en Batman, puisqu'il a récemment été annoncé pour un caméo dans «Aquaman : Le Royaume Perdu», aux côtés de Jason Momoa. Une annonce d'autant plus surprenante que le 15 février 2019, l'acteur annonçait ne plus vouloir jouer ce rôle sur le plateau de Jimmy Kimmel. De quoi brouiller encore plus les fans de la franchise.
Mais le film «The Flash» pourrait être la clé pour clarifier définitivement l'horizon de la franchise. Le long-métrage pourrait adapter l'arc «Flashpoint» du comics, dans lequel le personnage remonte dans le temps pour prévenir un incident de sa vie, mais son acte bouleverse l'univers qu'il connaissait. Une pirouette scénaristique qui, au-delà du plan artistique, pourrait être un vrai atout pour Warner Bros Discovery.
Selon les spécialistes, il s'agit d'une occasion parfaite de «tout remettre à plat», avec de nouveaux personnages, de nouveaux acteurs et ainsi, repartir de zéro. Ce qui serait en parfaite adéquation avec les paroles récentes de David Zaslav.
Les autres films DC
En dehors de l'Univers cinématographique DC «canon», d'autres adaptations dites «standalones» (comprenez autonomes) ont été produites par la Warner Bros. C'est le cas de «Joker» et «The Batman», qui n'appartiennent pas à la chronologie du DCEU. Deux films qui ont rencontré un succès critique et commercial retentissants et qui témoignent de la possibilité pour le studio de concevoir des films artistiquement ambitieux, libérés de l'univers partagé créé en 2013 avec «Man of Steel».
Si la suite de «The Batman», avec Robert Pattinson, n'est pas encore officialisé car en cours d'écriture, celle de sa némesis a déjà sa date de sortie. «Joker : Folie à deux» est confirmé avec Joaquin Phoenix, (oscarisé pour le rôle en 2020, et Lady Gaga en Harley Quinn (pour un autre personnage que celui incarné par Margot Robbie dans «Suicide Squad» et sa suite) pour octobre 2024. Il a été évoqué pour ce film un budget monstre de 150 millions de dollars, soit trois fois plus que le premier.
D'ici-là, les prochains films estampillés DC auront la lourde tâche de convaincre les fans. Car si tel n'était pas le cas, la stratégie présentée par la Warner Bros pourrait s'effondrer comme un château de cartes et laisser le champ libre à la concurrence (Marvel et Sony pour son Spider-Verse comprenant «Into the Spider-Verse», «Venom» ou encore «Morbius») sur le marché du film de super-héros.
Une chose est sûre, le public en redemande. Sur les dix dernières années, 31 films de super-héros sont arrivés dans le top 10 des plus gros succès de l'année au cinéma.