Jean-Jacques Sempé s’est éteint ce jeudi 11 août à l’âge de 89 ans. Le dessinateur français humoristique laisse derrière lui plusieurs pépites pour tous les âges. Voici six oeuvres emblématiques à (re)découvrir.
Le petit Nicolas (1959)
Grand classique de la littérature jeunesse, «Le Petit Nicolas» a été créé par Jean-Jacques Sempé et son ami René Goscinny. Les aventures de ce personnage universellement attachant et de sa bande de copains aux noms étranges (Rufus, Alceste, Maixent, Agnan, Clotaire…), ont été publiées pour la première fois le 29 mars 1959.
Pour écrire et dessiner les mésaventures, bagarres et autres bêtises de ce petit garçon, les deux auteurs avaient mis en partage leurs souvenirs d’écoliers. «Le petit Nicolas», qui continue depuis sa création de faire rire toutes les générations dans le monde, est une formidable étude de mœurs sur l’enfance.
Monsieur Lambert (1965)
Fort du succès du «Petit Nicolas», Sempé crée Monsieur Lambert, un employé de bureau qui échappe par le rêve à sa médiocre condition. Tous les jours, il déjeune «Chez Picard», discute football, politique et sexe avec ses collègues. Monsieur tout le monde affligé d'un crâne dégarni et d'un grand nez, il se raconte en playboy allumant de torrides passions.
Cet archétype, l'un des préférés de Sempé, est croqué sans méchanceté : «C'est l'absurdité des gens, les pauvres, un peu démunis à tous points de vue. Des braves gens qui, grâce à Monsieur Lambert, réussissent à se mentir à eux-mêmes, à s'inventer des histoires d'amour merveilleuses et à le faire croire aux autres», confiait-il au Monde. Il écrit une suite en 1975, «L'ascension de Monsieur Lambert».
Saint Tropez (1968)
Inutile de lire Bourdieu ou «Les Caractères« de La Bruyère, si l'on feuillette «Saint Tropez» (1968) et sa suite «Saint Tropez forever» (2010). Saint Tropez : la fête, l'alcool, les lunettes noires et le Café Sénequier. Sempé y saisit un microcosme de vaniteux désœuvrés autour d'une piscine ou à bord d'un yacht.
«On parle beaucoup de la joie de vivre là-bas, mais j'en montre peu dans mes dessins. C'est la nature qui est heureuse à Saint Tropez», expliquait-il dans Le Figaro, affirmant avoir eu «le tiers de ses idées sur la ville avant même d'y avoir mis les pieds».
The New Yorker (à partir de 1978)
Embauché en 1978 au New Yorker, Sempé signe sa première Une en dessinant un employé de bureau prêt à s'envoler depuis la fenêtre de sa tour. Au fil d'une centaine de Unes, il trace son bonheur de vivre dans cette mégalopole, avec ses chats indolents, ses humains minuscules, sa frénésie, ses jazzmen et ses jardins cachés. L'éditeur Denoël rassemble tous ces dessins dans l'album «Sempé à New York» (2009).
Les Musiciens (1980)
Emerveillé par Duke Ellington, le petit Sempé rêvait d'apprendre le piano. Mais, à l'époque, il était «plus facile de trouver un crayon et du papier qu'un piano», narrait-il dans le Monde. Ce qui l'inspire le plus, ce sont les musiciens. Pourtant, il mettra sept ans à finir cet album éponyme.
Son plaisir est d'y saisir le bonheur des musiciens du dimanche : un pianiste blanc, chauve, tout heureux de jouer du ragtime à Harlem; un quatuor de petites dames violonistes qui attendent leur train dans une gare immense ou encore un moustachu portant noeud papillon qui agite avec contentement des maracas... «Ne boudons pas le bonheur des gens», disait-il.
Raoul Taburin (1995)
Sempé acquiert son premier vélo à 16 ans alors qu'il travaille comme livreur de vin à Bordeaux. De cette découverte tardive du bonheur de pédaler, il va tirer plusieurs albums («Simple question d'équilibre», 1977) et un nouvel héros modeste qu'il prénomme Raoul Taburin.
Dans une petite commune imaginaire de Saint-Céron, ce marchand de bicyclettes cache un lourd secret : il ne sait pas monter à vélo. Un film en 2019 avec Benoît Poelvoorde et Edouard Baer reproduit la poésie tendre et absurde de ce personnage gentiment fantasque.