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Cinéma : On a vu «Rodeo», le premier long-métrage de Lola Quivoron

Coup de cœur du Jury «Un Certain Regard» au Festival de Cannes, le premier long-métrage de Lola Quivoron, baptisé «Rodeo», sortira au cinéma ce mercredi 7 septembre. Un film fort servi par un casting épatant, qui pourrait pâtir de l'actualité récente autour du phénomène des rodéos urbains.

Une ode sauvage à la liberté. Lola Quivoron fait chauffer le bitume dans son premier long-métrage «Rodeo», à découvrir dans les salles obscures à partir de ce mercredi.

Dès les premières minutes, le spectateur est plongé dans cet univers où les moteurs grondent et les wheeling (roue arrière) s’enchaînent sur une route désaffectée. 

Ce film nerveux et poignant s'attache alors à dresser le portrait de Julia, magnifiquement campée par Julie Ledru, une jeune banlieusarde rejetée par ses proches et passionnée de deux roues motorisées. Elle va tenter de se frayer un chemin dans l’univers masculin du cross-bitume, pratique consistant à réaliser des figures acrobatiques à moto. 

portrait d'une amazone solitaire 

Dans ce milieu où la vitesse rime avec liberté, les femmes sont traitées de «bouffones», restent sur le bord de la route, ou à la maison pour s’occuper des enfants, privées de sorties par un leader incarcéré. Mais Julia, aka «l’inconnue», rend tous les coups et n’a peur de rien.

Grâce à son audace et sa rage, l’héroïne, qui a grandi avec «une bécane entre les jambes», va parvenir à intégrer une bande de motards, en deuil après la mort d’un jeune rider. Très vite, elle devient indispensable et accomplie avec brio des missions clandestines. Toutefois, l’argent, cette amazone au franc-parler n’en a que faire.

Sa raison de (sur)vivre, c’est d’écouter le bruit assourdissant du moteur et de sentir le vent sur son visage, s’engouffrer dans son large tee-shirt, la main sur la poignée d'accélérateur. Puis vient l’heure de cet ultime braquage, celui d’un camion rempli de grosses cylindrées, qui signera sa chute. 

un drame captivant 

Si on s’attendait à un final plus sensationnel, et que celui-ci a mis un peu de temps à arriver, ce film entre chronique sociale et polar, qui prend parfois des allures de western, n’en demeure pas moins une réussite. La caméra braquée sur les visages, les blessures, et les frissons que procure ce sport extrême, Lola Quivoron signe un drame qui tient en apnée du début jusqu’à la fin.

Un drame qui s’attache aussi à déconstruire les injonctions et les stéréotypes de genre. Coup de cœur du Jury dans la section «Un Certain Regard» au Festival de Cannes 2022, «Rodeo» offre des dialogues percutants entre la protagoniste et ses homologues masculins, et une virée grisante en milieu hostile portée par des comédiens débutants prometteurs. Il y a Julie Ledru, véritable révélation du film, que le cinéma a intérêt à ne pas perdre de vue, mais aussi Yanis Lafki et Antonia Buresi. 

une polémique en arrière-plan 

Titre du film, interview polémique, actualité tragique... Malgré toutes les qualités indéniables du film, on peut anticiper une sortie qui devrait raviver la polémique apparue il y a quelques mois, et qui a pour effet de passer à côté du sujet principal - la quête d’émancipation d’une jeune femme dans un univers exclusivement masculin - qui lui, nous a plu. 

Pour rappel, en mai dernier, la réalisatrice de 33 ans avait provoqué de nombreux remous en affirmant dans une interview accordée au média Konbini que les accidents lors des rodéos urbains «sont souvent causés par les flics», une déclaration qui a entaché la promotion de son tout premier long-métrage. 

Toutefois, Lola Quivoron a récemment répondu en expliquant que cette phrase «a été totalement tronçonnée, saucissonnée et recomposée». «Ce type de montage transforme le sens, et produit un discours en flux tendu, sans déploiement réel d’arguments, rendant ma parole superficielle, brutale, et agressive. Il n’y a pas de profondeur, pas de développement, pas de pensée», a-t-elle déclaré.

La cinéaste a de plus souligné que le titre de son film ne fait pas référence aux rodéos urbains. «Le terme ‘Rodeo’ tel que je l’entends et l’utilise, a-t-elle clarifiée, provient d’abord de la langue anglaise et de la mythologie américaine. Il fait référence à cet horizon lointain d’où est originaire la «bike-life».

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la pratique dangereuse des rodéos urbains n’est donc pas le sujet du film, et n’apparait jamais à l’écran, et les courses-poursuites avec la police en sont aussi absentes. 

«'Rodeo' évoque aussi la pratique qui consiste à tenir huit secondes sur le dos d’un cheval ou d’un taureau survolté. C’est une épreuve de force, un baptême du feu qui est intimement lié à l’intrigue de mon film et au parcours de l’héroïne», a ajouté la trentenaire.

Ainsi, même si le film ne fait pas l’apologie de ce phénomène, il risque de pâtir encore un peu plus de son titre, alors que les drames liés aux rodéos urbains se multiplient en France, notamment celui survenu dans le Val-d’Oise, et qui concernait deux enfants de 10 et 11 ans, qui ont été grièvement blessés, tandis que les annonces gouvernementales pour réprimer ce phénomène se multiplient.

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