Vous souhaitez vous plonger dans un bon roman mais vous êtes en panne d’idées lecture ? Voici une sélection de trois ouvrages récemment publiés que l’on a dévoré.
«LA CONFRÉRIE DES GIFLÉS», DE JEAN-LUC GAGET
©JC Lattès
Après le cinéma, Jean-Luc Gaget se lance dans l’écriture. Le scénariste du film «Zaï Zaï Zaï Zaï», signé François Desagnat et adapté de la bande-dessinée culte de Fabrice Carot, publie «La confrérie des giflés» (éd. JC Lattès). Dans ce brillant premier roman, tout commence par une gifle. Celle qu’a reçu le chroniqueur politique Jérémie Soldatit, et sans raison apparente.
Alors qu’il se trouvait dans un bar parisien, un inconnu prénommé Nitch, commissaire d’exposition, s’est approché de lui avant de le gifler sous les yeux des clients stupéfaits. Depuis, cet incident monopolise ses pensées et fait remonter à la surface toutes les claques reçues lors de son enfance. Mais pourquoi cet homme l’a-t-il giflé ? Pour le savoir, Jérémie, humilié, va engager un détective privé, Hervé Dejeambe et son calepin Hello Kitty, et n’hésite pas à casser son PEL pour le rémunérer.
C’est le début d’une enquête aussi loufoque que palpitante, au fil de laquelle le quadragénaire découvrira qu’il n’est pas l’unique victime. Son bourreau aurait giflé de la même manière des dizaines de personnes. Mais cette traque représente bien plus. Pour le héros, mais pas seulement, c’est surtout le début d’un voyage généalogique et initiatique, jonché de réflexions pertinentes sur notre société, ses dérives, l’amour, notre place dans le monde.
Jean-Luc Gaget, qui a participé à l'écriture de nombreux épisodes de la série «Les Petits Meurtres d’Agatha Christie», et a reçu en 2017 le César du Meilleur scénario original pour «L'Effet aquatique», propose une œuvre inclassable, tant elle se trouve aux frontières de plusieurs genres. Philosophique et poétique, cet ouvrage fourmillant de références littéraires, qui sonne juste et pointe nos faiblesses sans les stigmatiser, emprunte les codes du récit policier, et se veut aussi une satire politique. Un ouvrage d’une grande virtuosité et plein d’humour, à côté duquel il ne faut pas passer.
«La confrérie des giflés», Jean-Luc Gaget, éd. JC Lattès.
«Banc», de Catherine Lacey
©Actes Sud
Banc, comme le banc d’une église, là où il entre seulement pour dormir, est le héros du troisième roman de l’écrivaine américaine Catherine Lacey. Ou peut-être l’héroïne. Car ce protagoniste, très silencieux, n’est ni homme, ni femme, sans âge, et sa couleur de peau n’est pas clairement identifiable.
On ignore également son passé, son statut, et sa présence ne manque pas de déstabiliser cette communauté religieuse du sud des Etats-Unis, a priori exemplaire et qui se veut hospitalière. Au gré de ses rencontres, les habitants s’interrogent : mais qui est cet individu ? Et eux, qui sont-ils ? Chacune de ses rencontres donne lieu à un interrogatoire, mais finalement, ce sont les autres qui se dévoilent.
De pages en pages, Banc tente de résister face à la volonté d’autrui d'être défini, caractérisé, et privilégie les monologues intérieurs pour laisser résonner la voix de la société, de cette Amérique contemporaine, verrouillée, qui ne s’écoute pas, et à bout de souffle. Le tout dans une atmosphère tendue, à quelques jours de la fête annuelle du pardon, et alors que des enfants disparaissent dans une ville voisine.
L’auteure, dont la plume est addictive et corrosive, signe un roman sur l’altérité et l'identité que l’on peut qualifier d’ovni. Volontairement en rupture avec certaines conventions littéraires, cet ouvrage réussi parle avec subtilité et originalité de la fausse bienveillance, de l’absurdité des injonctions sociales et de certains agissements, soi-disant guidés par de bonnes intentions.
«Banc», Catherine Lacey, éd. Actes Sud.
«Mes Migraines», de Raphael Rupert
©L’Arbre Vengeur
Après «Anatomie de l’amant de ma femme» (prix de Flore 2018), Raphaël Rupert est de retour avec «Mes migraines» (éd. L’Arbre Vengeur). «J’ai mal à la tête», tels sont les premiers mots d'Hector Schmidt, le héros de ce livre irrésistible qui ne manque pas de vertus. Une phrase qui, souvent, est perçue comme une excuse, et ne suscite que peu de compassion de la part d’autrui.
Cet écrivain, comme tant d’autres du XIXè siècle – Maupassant, Victor Hugo, Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Stendhal… – souffre de migraines. Pour tenter d’échapper à la fatalité de ce mal lancinant, et qui l’épuise depuis son adolescence, Hector décide d’abandonner les traitements médicamenteux, des bétabloquants à la codéine, et de prendre la plume.
Il va tenir la chroniques de ses migraines, car «on se défait des maux en les pourchassant avec les mots», lui rappelle-t-on, et décrypter les circonstances dans lesquelles elles sont apparues en remontant le fil de son passé, de ses premières amours, au décès de son père. Il va se tourner vers la psychanalyse, puis bucheronner en pleine forêt ardennaise, espérant ne pas devoir seulement «faire avec», et se résigner.
Délicieusement écrit, ce nouvel opus cérébral aide les migraineux à se sentir moins seul, et permet à ceux qui ne connaissent pas les céphalées de prendre conscience de leur privilège. Urbaniste de profession, l’auteur happe le lecteur et apporte un précieux éclairage sur ces douleurs crâniennes, «attirées par les odeurs comme les vampires par la vue du sang», insuffisamment reconnues, et pourtant classées 20e au rang des maladies par l’OMS.
«Mes Migraines», de Raphaël Rupert, éd. L’Arbre Vengeur.