Le retour du printemps, c'est aussi celui de Papooz. Le groupe revient avec un troisième album lumineux, «None of This Matters Now». Rencontre avec Armand et Ulysse, membres fondateurs du groupe de pop, qui fleure bon le son des années 1960 et 70.
Vous attendiez-vous au succès qu’ont rencontré vos premiers morceaux ?
Ulysse : Non pas vraiment. On a eu l'idée de sortir un morceau tous les dimanches, on a lancé ça de manière très innocente. À l'époque je vivais chez mes parents, dans le 14e à Paris, et Armand venait souvent dans ma petite chambre. On a beaucoup enregistré sur mon Mac. On n’avait rien : un ukulélé, deux guitares, on n'avait même pas de micro excepté celui de l’ordinateur. Steve Jobs est un peu notre premier producteur en fait.
Armand : «Ulysses and the Sea», par exemple, qui est un des morceaux les plus streamés de notre répertoire sur Spotify, c'est un morceau qu'on a enregistré sur le Mac d'Ulysse, posés sur sa cheminée, une après-midi en trois minutes. C'était l'époque de Soundcloud, Bandcamp aussi. On a fait ça pendant bien six mois avant de former un groupe de live. Les gens écoutaient notre musique, il y avait des commentaires à l'époque sous les chansons, un aspect vraiment social.
Puis la formation live a débuté !
Ulysse : On a fait tous les rades de Paris à vrai dire...
Armand : On arrivait à faire des concerts à Paris même sans promo, par exemple au Pop In, à la Dame de Canton… On a joué pendant un an quasiment toutes les deux semaines, uniquement à Paris pour se faire la main. On jouait beaucoup au Baron, et les gens venaient de plus en plus. Surtout parce qu'ils avaient envie de rentrer au Baron et que c'était enfin possible pour eux !
Musicalement parlant, quelle a été votre éducation musicale ?
Armand : Moi ça a été mon oncle américain. Mes parents m'ont envoyé chez lui tous les étés avec mon frère jumeau, pendant dix ans. C'est lui qui m'a fait découvrir tout le répertoire que j'aime maintenant : les classiques rock anglo-saxons des années 1960/70 à 1980. On écoutait ça dans sa jeep, il me parlait des Doors... Je suis devenu fan de musique grâce à lui.
Ulysse : Personnellement c’est ma mère qui m'a fait découvrir tous les groupes que j'aime encore. J’allais voir The Brian Jonestown Massacre avec elle, ça c'est quand même fou. J'avais le tee-shirt, qui appartenait à ma mère, mes amis n’en revenait pas. Après en tant qu'adolescent on a aussi écouté du rap etc, des morceaux de notre époque, mais très vite je suis repassé aux Beach Boys, à la musique brésilienne, au jazz... J'écoutais très peu de musique française en fait, à part Gainsbourg, Barbara, Léo Ferré... Mais ma mère trouvait ça très dépressif, un peu trop grandiloquent à son goût je pense.
Vous avez composé votre album au moment de la pandémie, comment ça s’est passé ?
Armand : On avait des chansons de côté, mais on a enregistré à ce moment-là. On a eu beaucoup de chance parce qu'on a arrêté notre tournée juste à temps, par magie du calendrier, avec le premier confinement. Et juste après le premier confinement on a pu enregistrer notre album, chez notre batteur qui avait retapé un vieux bâtiment dans une ferme agricole dans une forêt, donc ce n'était pas si difficile.
Ulysse : Et puis ce n'était pas un si grand changement, puisque généralement on compose majoritairement chez nous en intérieur, on a toujours fait ça, même sur le premier ou deuxième album. Le gros changement c'est qu'on vivait moins de choses, humainement parlant.
Armand : Normalement tu te sens un peu spécial à être seul chez toi, à travailler, et là ça arrivait à tout le monde. Moi ça m'a donné envie d'aller au bureau pour la première fois de ma vie par exemple !
Vous répétiez la journée et enregistriez les chansons la nuit. Une source d'inspiration particulière ?
Armand : On commençait à peu près vers 11h du matin, on défrichait deux-trois morceaux par jour, ça permettait de répéter, on enregistrait tout, même nos répètes - parce qu’on ne sait jamais, vu qu'on travaille sur un ordinateur ça ne mange pas de pain. Et le soir il y a un aspect plus secret, c'est une vieille ferme, on allumait un poêle, il y avait des bougies, on avait un verre de vin.
Jouer à l'instinct fonctionne bien pour notre style de musique.
Ulysse : Il y a un aspect un peu plus secret, voire sacré dans la nuit.
Vous avez voulu garder un enregistrement «live», qu’est-ce que vous désiriez comme effet ?
Armand : Avoir une photographie de studio en fait. Quand on enregistre un titre en live à plusieurs, on capte une essence, un moment présent. Ça se rapproche plus d'un tournage de cinéma, d'un truc sans montage. Après bien sûr on travaille sur les pistes, mais l'idée c'est de capter un moment de vie, de musique. Même s'il y a des petits moments de flottement, des petites erreurs, c'est finalement ce qui fait le charme.
Ulysse : Le premier album on l'avait enregistré live, le deuxième on a quand même passé beaucoup de temps à faire des reprises, à réfléchir énormément. Et en fait parfois réfléchir trop ce n’est pas la solution. L’instinct fonctionne mieux, en tout cas pour notre style de musique. Quand tu chantes ton morceau en live tu es concentré et tu veux donner le maximum de toi-même. Sans te dire que si tu fais une erreur tu pourras la modifier. Ce qui est une très grande nuance dans l'esprit humain je pense. Pour moi, pouvoir retoucher a posteriori a détruit cette magie de l'exigence. Je pense d'ailleurs que la technologie de manière générale a fait baisser le niveau des musiciens. En sachant en permanence que tu peux tout rectifier, ton exigence est moins grande. A l'époque, si tu ne savais pas jouer, c'était au suivant.
Maintenant que l’album est sorti, vient le moment de la tournée, c’est un moment que vous appréciez particulièrement la scène ?
Armand : On n'a qu'une hâte, c'est de pouvoir jouer !
Ulysse : Ça fait deux ans qu’on n’a pas joué. Là déjà, on a fait quatre jours de répète et on a pris tellement d'informations à réapprendre tous nos morceaux. Mais c'est incroyable, je pense qu'on est faits pour jouer live. Ça va nous changer la vie de repartir en tournée.
L'Olympia, à Paris, ça serait beau. On s'est promis de le faire.
Il y a un endroit particulier où vous rêveriez de jouer ?
Ulysse : L'Olympia déjà ça serait beau à Paris. Après on passera au Madison mais on a encore un peu de marge ! Mais récemment on a fait une interview à côté de l'Olympia, on a fait une pause cigarette, on a été marché jusqu'à l'Olympia, on se l'est promis.
Vou avez un titre qui vous tient particulièrement à cœur sur l’album ?
Armand : Moi j'aime beaucoup «Bonnie Roc n’Roll», c'est une histoire d'amitié que j'ai avec un chanteur italien qui s'appelle Edoardo Florio Di Grazia. Je l'avais rencontré parce que j'ai joué des guitares sur son disque qu'on a fait à Milan et c'est une chanson sur sa petite copine, sur leur rencontre. Quand je la chante je pense à lui, donc ça m'émeut un peu.
Ulysse : Je dirais Reminiscence pour ma part, je suis assez fier de ce morceau. Il me parait assez solaire, intemporel. Je me suis inspiré d'un live que j'ai vu de Sinatra, un morceau qui s’appelle «One for my babe», où un passant s’adresse à un serveur, lui raconte sa vie et n’arrête pas de lui dire «dis moi si je t'embête je sais que tu veux fermer le bar», enfin c’est très beau.
Vous évoquez des sujets plutôt sérieux, toujours avec un côté assez solaire. Vous vous décririez plutôt comme optimistes de manière générale ?
Ulysse : Oui, je pense qu'on fuit les moments angoissants. A choisir on préfère faire des blagues que mettre les gens mal à l'aise (rires).
Armand : On est plutôt joyeux, c'est pour ça qu'on fait une musique qui est souvent perçue comme solaire. Après on est Parisiens, on est forcément cyniques. Les Français ont inventé la critique, on est empreints de ça aussi…
Concernant le futur, qu’est-ce qui vous rend le plus impatient maintenant ?
Armand : Que la guerre s'arrête et que la pandémie s'arrête, c’est cliché mais c’est vrai.
Ulysse : De manière plus égoïste j'ai vraiment hâte de retourner aux États-Unis, de revoir des villes, des gens. Globalement j'ai hâte de revivre des choses inattendues et un peu hasardeuses. Hasardeux, ça va être mon nouveau nom !
Papooz, en concert au Bataclan le 19 mai 2022.