Avec son très décrié film «Titane», la Française Julia Ducournau a décroché la Palme d'or du 74e Festival de Cannes, ce samedi 17 juillet. Celle qui avait déjà fait sensation sur la Croisette en 2016 avec «Grave» a une nouvelle fois frappé les esprits avec son cinéma transgressif et féministe.
Elle devient surtout la 2e femme à recevoir la Palme d'or depuis la création festival, 28 ans après Jane Campion.
Un immense bravo à Julia Ducournau, 2ème femme à recevoir la palme d’or ! La palme pour un deuxième film, c’est extraordinaire !
Bravo également à toute l’équipe du film #Titane.
Merci les artistes.
Merci le cinéma pour ces heures de bonheur inouï.#VivreLaCulture ! #Cannes2021 https://t.co/vbVj96dsHA— Roselyne Bachelot (@R_Bachelot) July 17, 2021
Âgée de 37 ans, la réalisatrice signe avec «Titane» l'oeuvre la plus violente et la plus dérangeante de toute la compétition. Le film se joue des codes imposés pour proposer une lecture plurielle à partir d'un thriller cauchemardesque, volontairement opaque et confus, violent et sanguinolent où les thématiques de l'identité, du genre, de la sexualité, de la natalité et de la filiation sont brassées autour d'une énigme horrifique.
D'ailleurs, elle a remercié le jury de cette nouvelle édition d'avoir «laisser rentrer les monstres» dans le Palais des festivals.
Issue d'une famille de cinéphile
Effectivement rien chez cette jeune réalisatrice au physique à l'air sage, au parcours d'intellectuelle, ne laisserait pourtant présager au premier abord d'un tel univers, basculant par moments dans le gore.
Mais cette fille de médecins cinéphiles (père dermatologue et mère gynécologue, ndlr) trouve volontiers dans son enfance des origines à cette fascination pour les aspects les plus perturbants du corps humains. «Depuis toute petite, j'ai entendu mes parents parler de médecine, sans tabou. C'était leur quotidien. J'avais mon nez fourré dans leurs livres», racontait-elle au moment de la sortie de «Grave», soulignant que pour elle, «la mort, la décomposition étaient normalisées».
De Pasolini à Cronenberg
Influencée par le cinéma de David Cronenberg, de Brian de Palma, de Pier Paolo Pasolini et du Sud-coréen Na Hong-jin, cette adepte de films de genre raconte aussi avoir été marquée par le célèbre film d'horreur «Massacre à la tronçonneuse», vu en cachette à l'âge de six ans, et avoir eu ses premiers émois littéraires avec les «Histoires extraordinaires» d'Edgar Poe.
Née à Paris, Julia Ducournau a eu un parcours studieux. Passée par une classe préparatoire littéraire et une double licence de Lettres modernes et d'anglais, elle se tourne ensuite vers le cinéma en 2004, en intégrant le département scénario de la Fémis.
Mais ses premières oeuvres, qui traitent déjà de mutations physiques, laissent très tôt apparaître ses obsessions. Sélectionné à la Semaine de la critique au Festival de Cannes, son court-métrage remarqué «Junior» (2011), dont l'héroïne porte le même prénom que celle de «Grave», Justine, et est jouée par la même actrice, Garance Marillier , montre ainsi la métamorphose d'une adolescente garçon manqué.
Vient ensuite «Mange» (2012), téléfilm réalisé pour Canal+ et déjà interdit aux moins de 16 ans, qui raconte l'histoire d'une ancienne obèse essayant de se venger de la personne qui l'a harcelée au collège.
Un univers de chair que Julia Ducournau confirme avec son dernier né «Titane», jouant avec les codes de l'horreur avec talent.